Publié le Mercredi 22 janvier 2025 à 12h00.

À Gaza, avec le cessez-le-feu, il faut la justice et la fin de la colonisation !

Des images de retour au milieu de ruines, certaines encore fumantes. Des retours de « prisonniers » libérés sur les corps desquels la détention a laissé des traces. Des manifestations de joie réprimées à coups de gaz lacrymogènes. Le cessez-le-feu mis en place dimanche 19 janvier à Gaza suscite des sentiments contradictoires. 

Le soulagement de l’arrêt des massacres, c’est aussi les 630 camions d’aide alimentaire, sanitaire et énergétique qui vont fournir un début de sortie de cauchemar après presque 500 jours de bombardements, de privations et de tragédies. 

Israël a reporté le cessez-le-feu depuis mai 

Ce cessez-le-feu a enfin été signé par Netanyahou — le même accord avait été présenté et accepté par le Hamas en mai dernier. Même si le narratif des médias occidentaux reposait sur une intransigeance de l’organisation palestinienne pour l’échec des négociations, c’est bien Israël qui a empêché le succès de celles-ci. 

Depuis mai, presque huit mois, toujours plus de massacres et de bombardements. Près de 60 % des bâtiments de Gaza sont détruits ou endommagés. Le camp de réfugiéEs de Jabaliya et presque 70 % de Rafah ont complètement disparu. Depuis l’annonce du cessez-le-feu, il y a eu des dizaines de témoignages de personnes retournant vers leur « maison » pour planter une tente sur une montagne de débris ou pour trouver les squelettes de proches. Pourtant, les images et discussions en France ne portent pas sur cette tragédie génocidaire. On cherchera en vain ces témoignages ou l’interview de PalestinienNEs ou une analyse de leur part. Les habitantEs de Gaza sont résumés au Hamas dans toutes les dimensions de leur existence. 

Le pouvoir de Netanyahou sur le fil, le cessez-le-feu aussi

Le cessez-le-feu est pourtant très fragile. Dans la première phase de l’accord, Israël doit se retirer de Gaza progressivement — notamment du corridor Philadelphie —, autoriser les transferts médicaux et laisser entrer les camions d’aide humanitaire. Israël doit aussi rouvrir le passage de Rafah vers l’Égypte. Un protocole d’échanges de captifs doit également avoir lieu. Une surfocalisation sur les « otages » israélienNEs ne doit pas brouiller le fait que les 90 personnes libérées par Israël étaient enfermées, pour la plupart sous le régime de la détention administrative — c’est-à-dire un enfermement sans charges ni moyen de se défendre. Cet emprisonnement arbitraire s’accompagne de mauvais traitements, de torture, de refus de soin, entraînant très souvent la mort. 

Benyamin Netanyahou a déjà indiqué qu’il se réservait le droit de reprendre les bombardements. Sa coalition ne tient plus qu’à un fil. Pour conserver le reste de ses amis d’extrême droite et son pouvoir, il a promis d’intensifier l’effort de ­colonisation sur la Cisjordanie.

En espérant que ce cessez-le-feu soit le plus long possible, il n’est pourtant pas l’avènement d’un nouveau statu quo. Malgré des victoires stratégiques certaines — sur le Liban en Syrie — Israël n’a finalement aucun objectif militaire concret : le Hezbollah est toujours là, le Hamas est toujours en contrôle et en tout cas certainement pas détruit. L’image de l’armée invincible — et « la plus morale du monde » — en a pris un coup. La guerre génocidaire a aussi un énorme coût pour l’économie israélienne qui est en extrême difficulté. Israël encore plus qu’avant dépend de ses soutiens notamment américains. 

Malgré les apparences, l’admi­nistration des États-Unis, quel que soit le président, sera du côté des génocidaires et contre les PalestinienNEs. Pour Trump, le cessez-le-feu arrive à point nommé comme un plan de communication bien rodé. Pour Biden, il s’agit d’une conséquence de la monstruosité qu’il a laissé faire, encouragée même, et qui lui restera à jamais associée. 

Rendre la justice et mettre fin à la colonisation

Il y aura donc encore des affrontements et des tentatives d’annexion de portions toujours plus grandes de la Cisjordanie et de Jérusalem Est. Et les États-Unis et les pays occidentaux sont toujours prêts à accepter de traiter Israël en État au-dessus des lois internationales. Cet exceptionnalisme est source de ­déstabilisations futures ­importantes. 

Il faut évidemment soutenir et saluer la reconstruction de Gaza et défendre que l’autorité de Gaza revienne aux PalestinienNEs. Il n’y a pas que les pierres, il y a aussi la justice : que les génocideurs, petits ou grands, soient pourchassés et traduits en justice. Avec la fin de la guerre, une partie des réservistes franco-­israéliens vont revenir en France, ils doivent être poursuivis. Enfin, il faut créer le rapport de forces qui posera la question en termes de paix durable : la fin de la ­colonisation et de l’apartheid. 

Édouard Soulier