Publié le Jeudi 20 juin 2024 à 08h25.

Argentine : Milei fait passer sa loi entre compromis et répression

On vient d’assister à un nouvel épisode du feuilleton de la loi « Bases » ou « omnibus », mais ce n’est pas le dernier. Le Sénat vient d’approuver, avec plusieurs modifications, le projet de loi tant voulu par le président. Il devra retourner à la chambre des députéEs pour la validation finale et l’acceptation (ou pas), des modifications introduites par le Sénat.

 

Depuis le premier épisode du feuilleton, la plupart des chapitres de la loi ont été amputés, mais il reste le principal : les pleins pouvoirs au président en matière administrative, économique, financière et énergétique. Ce qui veut dire que Milei peut légiférer par décret pendant 1 an. Il a certes dû négocier une limitation dans le temps et sur les sujets sur lesquels il peut agir, ainsi que sur une instance parlementaire de contrôle. Mais autant de pouvoirs dans les mains d’un président aussi autoritaire est très dangereux pour les travailleurEs et les couches populaires d’Argentine.

De loi « Omnibus » à loi « minibus »

Les autres points de la loi impliquent des privatisations dans une poignée d’entreprises publiques (au début Milei voulait en privatiser 40), une réforme du code du travail qui réduit les cotisations patronales, réduit les amendes pour du travail non déclaré. Mais le point le plus important est l’adoption d’un régime spécial d’exonérations d’impôts pour les grands investisseurs. Un énorme cadeau aux grandes entreprises ! En revanche, le volet fiscal, qui impliquait une hausse d’impôts pour les travailleurEs, n’a pas été approuvé.

Il s’agit donc d’une loi beaucoup plus petite que celle que Milei voulait faire passer, même si elle est clairement au service des plus riches. Milei qui disait « il n’y a pas un rond », qui coupe à la tronçonneuse le budget de l’État, qui fait baisser le pouvoir d’achat avec l’inflation, qui licencie des employéEs publics, qui arrête net les travaux publics, trouve ainsi de quoi gaver les riches.

Négociations et répression

Après le retrait de la première version de la loi en février dernier, le gouvernement a fait de grandes concessions à l’opposition du centre. Il leur avait surtout proposé le « pacte de mai », qui impliquait des ressources pour les provinces en échange de l’approbation de la loi. Mais il a dû lâcher sur plusieurs points et attendre le mois de juin. Et même ainsi sa loi est passée de justesse.

Au Sénat, le résultat était 35 contre 35, et c’est la vice-­présidente qui a dû départager le vote. Les voix de ses alliés de droite, du centrisme du Parti radical (à l’exception du président du parti, Martin Lousteau) et des partis régionaux ont suffi de justesse.

Mais Milei peut toujours compter sur l’ancienne candidate de droite, Patricia Bullrich, la ministre de la Sécurité, qui n’a pas hésité une seconde à envoyer la police pour réprimer les manifestantEs qui exprimaient leur colère aux portes du Sénat. Les images qui ont fait le tour du monde l’attestent : lacrymos, affrontements, blesséEs, interpellations et quelques bagnoles brûlées.