Selon le dernier baromètre Ipsos réalisé pour le Secours populaire, près de 6 Français sur 10 (57 % des personnes interrogées, contre 55 % en 2014) ont été sur le point de connaître une situation de pauvreté à un moment de leur vie. Et près de 9 Français sur 10 (87 %) considèrent que les risques que leurs enfants connaissent un jour la pauvreté sont plus élevés qu’ils ne l’étaient pour leur génération. Ce niveau est le plus haut enregistré depuis la création du baromètre en 2007 !
Trente-cinq pourcent des sondés déclarent avoir effectivement vécu dans la pauvreté, et 66 % disent avoir un proche dans cette situation, contre 56 % en 2007.
Besoin de 467 euros de plus chaque mois
Le Secours populaire resitue ces indications dans un« contexte marqué par une aggravation des inégalités, l’enracinement de la précarité de la population éloignée de l’emploi, et des situations d’exclusions durables ». La crise financière, qui a débuté en 2008, s’est ainsi progressivement étendue à l’ensemble de l’économie et son impact est durable. La crainte de la pauvreté n’épargne aucune catégorie sociale, même si elle est plus présente chez les non-diplômés (45 %) et les femmes (38 %). Des chiffres qui corroborent les données de l’Observatoire des inégalités pour qui « des dizaines de milliers de personnes vivent dans des conditions peu éloignées de celles des pays en développement ».
Selon le sondage, 34 % des Français éprouvent des difficultés à régler leurs dépenses d’énergie, 33 % à acquitter leur loyer ou un emprunt immobilier et 29 % à s’alimenter correctement trois fois par jour.
Selon le baromètre de l’institut CSA pour le groupe de crédit à la consommation Cofidis, 16 % des personnes interrogées déclarent se retrouver à découvert tous les mois, un chiffre élevé mais cependant inférieur à celui de 2014 (21 %). Et en moyenne, il manquerait 467 euros par mois dans le porte-monnaie pour vivre correctement.
Dans toute l’Europe
Selon un autre rapport récent établi par l’ONG Oxfam, plus de 120 millions de personnes sont exposées au risque de pauvreté en Europe. L’Europe connaît des niveaux intolérables de pauvreté et d’inégalités. Dans son préambule, la directrice du département de la Protection sociale à l’Organisation internationale du travail (OIT) relève que « 123 millions de personnes sont actuellement exposées au risque de pauvreté au sein de l’Union européenne, soit un quart de la population, contre 116 millions en 2008 ».
Entre 2009 et 2013, ce sont 7,5 millions de personnes supplémentaires dans 27 pays de l’Union qui ont été classées en situation de privation matérielle aiguë, selon les chiffres d’Eurostat. Dans les pays comme la Hongrie, la Grèce, Chypre, mais aussi l’Italie et le Royaume-Uni, la part des personnes dans cette situation précaire a augmenté d’au moins 5 % entre 2009 et 2013.
À elle seule, la France compte plus de 11 millions de personnes en risque de pauvreté ou d’exclusion sociale, un chiffre qui ne s’est pas réduit ces dix dernières années... Oxfam constate que près de 50 millions de personnes rencontrent des difficultés matérielles majeures, manquant d’argent pour couvrir les frais de chauffage de leur foyer ou pour faire face à des dépenses imprévues. Frappés par un niveau de chômage des plus élevés au sein de l’Union européenne, les femmes, les jeunes et les migrants sont les groupes sociaux les plus susceptibles de vivre en situation de pauvreté.
1 % détient 33 %...
Au sein d’un continent où le produit intérieur brut moyen est de 26 600 euros par habitant, selon les statistiques de la Banque mondiale, Oxfam souligne que les 1 % des Européens les plus riches (pays hors Union européenne compris) détiennent près d’un tiers des richesses du continent, alors que les 40 % inférieurs de la population se partagent moins de 1 % des richesses nettes totales de l’Europe. En résumé, les 7 millions de personnes les plus riches détiennent le même niveau de richesses que les 662 millions les plus pauvres.
Et au niveau mondial, les inégalités sont encore plus marquées. 1 % de la population de la planète détient aujourd’hui près de la moitié de la fortune mondiale, et les 80 multimilliardaires les plus riches possèdent une fortune équivalente à celle de la moitié la plus pauvre de l’humanité.
La folle logique du capital.
Yvan Lemaitre