Après des négociations menées par l’entremise de l’Égypte et du Qatar, un cessez-le-feu a été instauré entre Israël et la bande de Gaza le 21 mai, mettant fin à une nouvelle séquence de brutale répression militaire israélienne. Si l’on peut évidemment se réjouir que la population de Gaza ne soit plus sous les bombes, rien n’est pourtant réglé, et l’on peut s’attendre à ce que, dans les semaines qui viennent, les PalestinienEs continuent de se mobiliser pour leurs droits nationaux et démocratiques. C’est pourquoi nous avons voulu revenir, dans ce dossier, au-delà des enjeux immédiats de la récente séquence de mobilisation et de répression, sur les dynamiques plus profondes en Palestine et en Israël, et sur la nécessaire solidarité.
La fin de l’opération de bombardement sur la bande de Gaza a résonné comme un échec pour les autorités israéliennes. Si la séquence a été particulièrement violente, avec des raids d’une intensité inédite et des dégâts matériels et humains considérables, il n’en demeure pas moins que l’État d’Israël ne sort pas gagnant de l’affrontement qui a eu lieu au mois de mai. Bien au contraire, pour bien des PalestinienEs, le cessez-le-feu est davantage le révélateur d’une crainte israélienne que la situation dégénère que d’un maîtrise de l’agenda.
Communauté de destin
Si l’attention médiatique s’était particulièrement portée sur Gaza, il ne faut en effet pas oublier que c’est dans l’ensemble de la Palestine qu’Israël a dû faire face — et fait encore face — à une contestation palestinienne de ses politiques d’apartheid : la mobilisation simultanée à Gaza, en Cisjordanie, à Jérusalem et en Israël même, si elle n’est évidemment pas l’affirmation d’une unité politique soudainement retrouvée, est l’expression de la conscience d’une communauté de destin entre les différents secteurs palestiniens. Un cinglant avertissement adressé à la puissance coloniale qui n’a eu de cesse, au cours des dernières décennies, de fragmenter la population palestinienne, mettant en pratique le vieil adage « Diviser pour mieux régner ».
Symbole de ce phénomène, l’appel à la grève générale le 18 mai lancé à l’initiative de collectifs de jeunes et largement suivi et repris dans toute la Palestine historique : « Depuis toute la Palestine colonisée, nous vous appelons à rejoindre notre grève générale et notre journée d’action du mardi 18 mai. […] Nous faisons appel à votre soutien pour consolider ce moment de résistance populaire sans précédent, lancée depuis Jérusalem et s’étendant à chaque village, ville et camp de réfugiés à travers la Palestine et à nos frontières avec le Liban, la Syrie et la Jordanie. »
Telle est l’une des singularités du soulèvement de ces dernières semaines, qui présente en outre un visage particulièrement jeune et qui n’était guère encadré par les forces politiques traditionnelles, qu’il s’agisse du Hamas, du Fatah ou de la gauche. Dans les premiers jours, on a même vu l’Autorité palestinienne de Ramallah réprimer les manifestantEs en Cisjordanie, avant de changer de braquet et de jouer la carte de la rhétorique de l’« unité nationale », de peur de perdre un peu plus de terrain face à un Hamas apparaissant comme défenseur de touTEs les PalestinienEs, et pas seulement ceux de Gaza.
Et maintenant ?
Bien malin serait celui ou celle qui pourrait prévoir ce qui va se passer dans les jours et les semaines qui viennent. Une chose est toutefois certaine : la répression israélienne se poursuit, avec entre autres l’opération « Law and Order » menée en Israël dont l’objectif était d’arrêter 500 PalestinienEs mobilisés ces dernières semaines, tandis que la mobilisation se poursuit à Jérusalem, notamment autour des quartiers de Sheikh Jarrah et de Silwan, et en Cisjordanie. Partout en Palestine, on discute politique, on discute structuration, on discute de la suite, et si l’on ne peut guère se risquer à faire des pronostics, nul doute que la séquence qui s’est ouverte ces dernières semaines est loin d’être terminée et que notre solidarité va devoir s’exprimer.
Comme l’explique le chercheur Tareq Baconi : « Les Palestiniens doivent trouver un moyen de maintenir ce soulèvement populaire au-delà des structures de direction qui existent aujourd’hui. Cela ne veut pas dire qu’il ne doit pas y avoir de direction pour le mouvement. Ce que nous avons appris des soulèvements arabes de 2011, c’est que s’il n’y a pas de direction capable de prendre des décisions politiques et stratégiques, l’État profond et le statu quo gagnent. Ce leadership ne peut pas être canalisé vers les mêmes institutions corrompues qui nous ont amenés là où nous sommes aujourd’hui. Il faut qu’un leadership plus inclusif émerge de cette mobilisation de la base. La forme que cela prendra n’est pas encore claire, mais nous n’en sommes qu’aux premiers jours1. »
- 1. « Hamas breaks out of its Gaza cage », sur 972mag.com : https://www.972mag.com/h…- gaza-jerusalem-protests/