La campagne électorale de la Présidentielle entre dans sa dernière ligne droite. Elle est marquée par le débat autour des politiques pour faire face à la crise, reléguant au second plan d'autres questions pourtant cruciales, comme celle des réponses à la crise écologique ou celle des quartiers populaires.
En campagne pour sauver sa place, Nicolas Sarkozy se présente comme le seul à disposer de l'expérience nécessaire pour «piloter le navire en pleine tempête». Il se présente comme l'homme d'une droite dure, sécuritaire, raciste et xénophobe, défenseur d’une Europe «forteresse», pour draguer les voix du FN. Le «candidat du peuple» a cependant du mal à faire oublier le «Président des riches». Son bilan, catastrophique pour la majorité de la population, est puissamment rejeté. Son projet est dans la continuité de son action, totalement nocif. Oui, il est urgent de «sortir le sortant ».
Battre la droite est un enjeu essentiel et primordial. Il n'est pas le seul de cette élection présidentielle. Le programme de François Hollande s'inscrit dans la gestion de la crise du capitalisme par l'austérité et ne prend pas en charge les questions écologiques à la hauteur des enjeux de crise de civilisation qui sont désormais posés.
Il importe qu'il existe aussi un vote de premier tour, le plus massif possible, pour donner force et crédibilité à un programme d'urgence basé sur une toute autre répartition des richesses, la transition énergétique, des transformations démocratiques radicales. Dans ce cas, une nouvelle chance sera offerte pour faire exister durablement un courant politique qui conteste à gauche l'hégémonie du courant social libéral dont François Hollande est le porte-drapeau à la Présidentielle. C'est essentiel également pour faire contrepoids à une extrême-droite relookée qui s'implante durablement et cherche, par une campagne nationaliste, raciste et prétendument sociale, à séduire les classes populaires. C'est enfin décisif pour donner force et courage à celles et ceux qui luttent et entendent lutter sous diverses formes pour résister aux politiques d'austérité ou pour imposer la transformation sociale, écologique, démocratique.
Au-delà de divergences maintenues, sur le bilan des gouvernements d'union de la gauche de 81 et 97, sur le rapport à la république et à la nation, la campagne que mène Jean-Luc Mélenchon énonce un large spectre de propositions politiques communes à toute la gauche radicale. Réquisitionner les entreprises qui licencient en délocalisant, prendre des mesures pour museler la finance, refuser de faire payer la crise à la majorité de la population, organiser la planification écologique, rompre avec une Vème République antidémocratique, rompre avec les traités européens pour réorganiser une Europe qui réponde aux impératifs sociaux, écologiques, démocratiques, voilà des propositions qui vont dans le bon sens.
La dynamique politique militante autour de la campagne de Jean-Luc Mélenchon permet de faire vivre et se développer une force militante et électorale qui refuse de se soumettre à la gestion sociale-libérale des crises, aux politiques d’austérité tout comme à sa version «verte». C’est un facteur important du rapport de force pour la gauche de la gauche. En témoignent d’ailleurs le nombre de syndicalistes, de militants du mouvement social, écologiste, féministe, antiraciste qui rejoignent la campagne.
Une question importante demeure toutefois ouverte, celle de l'attitude vis-à-vis du PS. De ce point de vue, on sent des approches différentes au sein du Front de gauche entre d'un côté des déclarations du PCF qui laissent ouverte la perspective d'alliances et tous les autres, dont le PG, qui indiquent clairement refuser de collaborer à un gouvernement social libéral.
En tout état de cause, il faudra alors regrouper les forces politiques et sociales qui refuseront de collaborer sous quelque forme que ce soit avec un gouvernement s'inscrivant dans la lignée de ses ex-homologues européens portugais, espagnol ou grec, c'est-à-dire une politique marquée du sceau de l'austérité dite de gauche et du capitalisme prétendument vert. Beaucoup de ces forces se situent à l'heure actuelle de manière significative dans le giron du Front de Gauche.
Et si c'est Sarkozy qui l'emporte, alors il n'en sera que plus nécessaire de regrouper une gauche de combat susceptible de préparer les nouveaux affrontements sociaux et écologiques qui vont survenir.
Force est de constater hélas que la majorité de direction du NPA tourne le dos à une telle politique de rassemblement.
La campagne présidentielle du NPA cherche à s'imposer dans le débat politique par une posture «ouvriériste» et de rejet global du système. Même si l'exigence de «dégager» Sarkozy apparaît dans les interventions de Philippe Poutou ou dans le matériel de campagne, elle ne parvient pas à gommer un autre profil, le rejet d'un monde politicien présenté comme uniforme. La majorité de direction du NPA met en avant comme argument central, le statut social de son candidat, un ouvrier censé être le seul à pouvoir comprendre et exprimer la souffrance populaire. Se démarquer du Front de gauche, compte tenu de sa dynamique et de son positionnement est difficile et renforce les aspects négatifs de la campagne Poutou, et ce jusqu'à la caricature quand on entend que le Front de gauche est déjà au gouvernement Hollande.
Que valent alors les appels au rassemblement des anticapitalistes? A quoi sert la candidature du NPA ? Quelles idées, quel programme contribue-t-elle à populariser dans la société?
Derrière cette posture se teste une évolution négative majeure du NPA. Nous devons acter le fait que le NPA, fondé il y a trois ans dans l'objectif de rassembler tous les anticapitalistes dans un parti de masse implanté dans la société, prend le chemin de la marginalité, renonçant de ce fait à peser réellement dans une situation politique aux enjeux majeurs.
L'ensemble de ces éléments, au-delà de l'enjeu électoral lui-même, confirme les grandes orientations défendues par la Gauche anticapitaliste. A l'occasion de sa réunion nationale, elle prend une série de décisions qui visent à favoriser l'indispensable réorientation du combat des anticapitalistes et le rassemblement de la gauche radicale.
La GA en appelle aux militantes et aux militants du NPA, comme à celles et ceux qui l'ont quitté, pour mettre en œuvre sur le terrain et sans attendre une orientation unitaire. Les enjeux de la situation politique, avec les développements de la campagne présidentielle, rendent une telle concrétisation, urgente et nécessaire. La GA prend donc toutes ses responsabilités en ce sens. Cela passe notamment par :
- La structuration plus systématisée des groupes de la Gauche anticapitaliste partout sur le territoire. De ce point de vue, il faut faire un effort pour prendre contact avec les camarades qui ont quitté par désaccord le NPA ces derniers mois et années.
- La poursuite et le développement de notre insertion dans les campagnes de masse comme celle contre la dette, autour du référendum en Europe, en solidarité internationale sur tous les fronts et bien d’autres à venir... sur les terrains féministes, antiracistes, du logement, les enjeux syndicaux et sociaux, les luttes des LGTB, etc. avec toujours le même souci d’allier recherche de l’unité et développement de revendications de masse.
- L'approfondissement à toutes les échelles, locale, régionale, nationale, de la convergence des forces anticapitalistes et éco-socialistes, notamment les Alternatifs, la FASE, C et A, le MOC, militant-es du mouvement social et écologiste. Ce premier rassemblement doit se matérialiser sur la base d'un texte-cadre programmatique commun, d'un comité de liaison permanent qui, le moment venu, se dotera d'outils appropriés de communications, de débats et d'apparition. Ce regroupement des anticapitalistes peut représenter une première étape dans une recomposition plus vaste que nous pensons nécessaire.
- La poursuite des discussions unitaires à tous les niveaux, local, régional, national, avec l'ensemble des partis et mouvements qui composent le Front de gauche. La convergence de toutes les forces de la gauche radicale indépendantes du PS, dans leur pluralité et avec le périmètre le plus large possible, est une absolue nécessité. La recomposition en cours peut prendre des chemins variés. Nous aborderons avec un esprit offensif et en positif des propositions qui émaneraient d'autres forces politiques, dès lors qu'elles se situent dans cette perspective et qu'elles offrent un cadre pluraliste et rassembleur. La nouvelle donne créée par le résultat de la Présidentielle sera propice pour tester ces évolutions politiques nécessaires. Nous devons affirmer clairement en tant que GA, que nous sommes disponibles pour œuvrer à cette convergence, qui dessinera les contours d’un bloc anti-austérité, indépendant du PS, et posera les jalons d’une possible recomposition. Dans ce cadre, nous défendrons la nécessité d’une convergence entre forces politiques et courants issus du mouvement social, la nécessité de formes politiques permettant de vrais débats de fond et un fonctionnement démocratique à tous les niveaux, et notamment la possibilité d'adhésion directe individuelle à des comités de base.
- La présentation d'un maximum de candidatures unitaires dans un cadre large de toute la gauche radicale (FDG, NPA, Alternatifs, MOC, etc.), et lorsque cela ne sera pas possible, avec un périmètre plus limité. La GA agira en tant que courant politique, avec ses propres candidat-es dans ce cadre et dans le dialogue avec la majorité du NPA.
Participer à la construction d'un bloc anti-crise, rassembler en son sein les courants anticapitalistes et éco-socialistes, telle est la tâche de l'heure. Ce processus commence dès à présent, et les échéances vont s'accélérer et se concrétiser au lendemain de l’élection présidentielle. La gauche Anticapitaliste, tout en participant directement à tous ces processus, propose à tous les militants et toutes les militantes du NPA une réorientation radicale dans ce sens. Elle proposera au prochain CPN, sur ces enjeux et cet agenda, la tenue d'une conférence nationale décisionnelle avant l'été.
Tout en ayant donné son analyse sur les principaux enjeux de la Présidentielle, la GA constate des positions différentes en son sein sur l'appel au vote. Privilégiant son unité, la GA ne prendra pas, en tant que courant, de position concernant le vote au 1er tour.
La Gauche Anticapitaliste organisera une nouvelle réunion nationale en mai prochain. Elle précisera son analyse de la situation politique et son implication dans les processus en cours.
Adopté à l'unanimité de la réunion nationale de Montreuil (93) des 17 et 18 mars.