L'acte de guerre insensé auquel se sont livrés les commandos d’élite de l’armée israélienne contre les manifestants pacifiques de la Flottille de la liberté, le 31 mai, sera-t-il un tournant dans l’histoire du mouvement de solidarité avec le peuple palestinien ? L’émotion est grande et les soutiens à Israël se font rares. La réprobation, elle, a été immédiate, massive et internationale, sans pour autant atteindre les manifestations monstres que l’on avait connues lors de l’attaque de Gaza en janvier 2009. Parallèlement, la campagne Boycott, désinvestissement, sanctions (BDS), après avoir piétiné pendant des années, connaît un véritable succès. Les actions antiblocus se multiplient. De la marche du Caire en décembre 2009, à l’opération Flottille de la liberté, en passant par l’envahissement des supermarchés qui commercent avec Israël, ce sont des dizaines de milliers de militants internationalistes, des ONG ou des organisations politiques et syndicales qui ont su donner une continuité, une légitimité et un élan nouveau au mouvement de solidarité avec le peuple palestinien. Les militants du NPA, déjà largement investis dans ces mouvements de soutien, vont redoubler d’efforts pour que les actions de boycott contre Israël se multiplient. Ils seront aussi présents dans les opérations antiblocus qui se préparent. Parce que la situation que vit le peuple palestinien est insoutenable ! Parce que l’impunité dont jouissent les criminels de guerre sionistes est insoutenable ! Parce que le silence complice de la France, de l’Europe, des USA, et des régimes réactionnaires arabes est insoutenable ! Tant qu’aucune des résolutions de l’ONU ne sera appliquée et que les gouvernements des pays occidentaux détourneront pudiquement leur regard de la tragédie qui se joue au Proche-Orient depuis plus de 60 ans, le peuple palestinien ne pourra compter, pour défendre ses droits inaliénables, que sur ses propres forces et celles du mouvement de soutien international. La tâche paraît rude et le rapport des forces disproportionné ? Mais, tout en tenant compte de la spécificité de chaque situation, elle l’était tout autant pour les peuples cubain, algérien, vietnamien… La victoire contre le régime colonialiste et raciste d’Afrique du Sud (qui, soit dit en passant, comporte bien des similitudes avec la lutte du peuple palestinien), ne fut possible que par la complémentarité entre la lutte armée menée par l’ANC et une campagne internationale de plusieurs décennies contre l’apartheid.
Les conséquences diplomatiques du carnage sont encore difficiles à évaluer. La Turquie, partenaire privilégié d’Israël dans la région continuera-t-elle, face à une opinion publique excédée à maintenir son soutien ? Les fissures apparues au sein de l’UE, notamment par le soutien apporté par le gouvernement irlandais aux militants du Rachel Corrie amèneront-elles à de réelles sanctions contre Israël ? On peut en douter, car Israël reste le plus fidèle garant des intérêts impérialistes au Proche-Orient.
Une solution politique favorable aux intérêts des peuples du Proche-Orient passe inévitablement par une remise en cause de la politique des USA et de l’Union européenne dans toute la région. Elle suppose en premier lieu la création d’un rapport de forces populaire qui mette fin aux agissements d’Israël contre les habitants du Sud-Liban, le démantèlement des colonies en Cisjordanie, la libération de tous les prisonniers politiques palestiniens, le retour ou l’indemnisation de tous les réfugiés. La mobilisation de l’opinion publique internationale en est un élément indispensable, comme l’est le soutien et la popularisation des actions des quelques centaines de courageux militants qui en Israël portent un message de paix et d’avenir commun avec le peuple palestinien et les autres peuples de la région, face à une opinion publique chauvine, chauffée à blanc par la droite et l’extrême droite qui se partagent le pouvoir.
Alain Pojolat