Cela va faire un mois que le premier tour des municipales est passé et pourtant cela semble une éternité. En effet, dès le lendemain du vote et des résultats, c’était l’annonce du début du confinement et du report du second tour.
Depuis, que nous soyons strictement confinés ou relativement pour celles et ceux qui continuent de travailler, les préoccupations sont largement dominées par la progression de l’épidémie, suivant les compteurs flippants des personnes qui décèdent ou qui rentrent en réanimation. L’élection et sa campagne sont donc bien loin, et les bilans n’ont pas été faits. Une fois faite cette introduction, on peut essayer de faire au moins une première tentative d’analyse.
Ce dimanche 15 mars, l’ambiance était déjà lourde. Le maintien du vote était très contesté à cause des risques qu’il faisait prendre à la population. L’abstention va d’ailleurs battre des records, limitant la validité de cette élection. Les premières règles de distanciations sociales s’étant mises en place depuis trois jours, nous avions logiquement annulé la soirée électorale.
Nous n’avons donc pas pu « fêter » notre résultat de 11,77% qui nous permettait de nous qualifier pour le second tour et donc de rester en course pour obtenir des conseillers municipaux, ce qui est depuis le début notre objectif. Non par électoralisme et pour avoir des postes mais bien pour continuer la bataille politique durant les six prochaines années, histoire de ne pas être les contestataires seulement pendant le mois de campagne.
Naissance d’une liste, d’une équipe, d’une dynamique
Avant de mener la campagne, nous avons dû traverser une période difficile, qui va laisser des traces. Plusieurs semaines marquées par des désaccords stratégiques importants au sein du NPA comme plus globalement dans un milieu militant politisé. Car au lieu de partir comme s’était quasiment écrit, c’est à dire chaque courant de son côté – c’est tellement plus simple – une discussion allait démarrer sur une possible autre option, celle d’une liste unitaire qui regrouperait des organisations habituellement séparées, à savoir le NPA et FI.
C’est le collectif Bordeaux Debout, regroupant des miitantEs de la FI, des syndicalistes, des Gilets jaunes, des associatifs/ves qui va prendre l’initiative de proposer au NPA d’envisager une liste commune. Des deux côtés, cela va provoquer une crise et des ruptures. Malgré les tensions, la discussion va aller jusqu’au bout. De part et d’autres des militantEs vont batailler pour aboutir à un accord politique, à une unité qui apparaissait comme salutaire, prometteuse d’une campagne qui ferait du bruit, efficace car regroupant des milieux militants divers.
Pour la première fois à Bordeaux, la droite – au pouvoir depuis 1944 – était menacée et la « gauche » avait une chance historique de gagner. L’enjeu de cette élection était cette alternative. Il nous fallait donc une liste capable de faire entendre autre chose que la bascule droite-gauche, de défendre une perspective plus lutte de classe, celle d’un Bordeaux populaire contre un Bordeaux bourgeois, celle d’une véritable alternative sociale.
Et pour la première fois aussi, une liste exprimant la colère sociale, représentative de notre camp, proposant un programme de rupture anticapitaliste, va réussir à exister, à se faire entendre, à apparaître comme crédible.
Même minoritaire, sans possibilité de gagner, nous allons marquer la campagne
Parce qu’elle est unitaire, notre liste arrive à regrouper, à donner envie de militer, de mener la bataille. On le sentira de suite autour de nous, partout, notre liste et nos idées vont susciter de l’enthousiasme, de l’espoir et au minimum de la curiosité. On l’a vite vérifié dans les sondages nous créditant de 9%, 12% et 11%. Des prévisions qui valent ce qu’elles valent mais qui rendaient envisageables d’avoir des éluEs. Et donc qui donnaient une raison de voter pour nous. Voter pour nous devenait un vote utile, utile pour obtenir des conseillers prolos, précaires, des salariéEs du rang, des manifestantEs, des contestataires, des anticapitalistes au sein du parlement bordelais, au palais Rohan, à Bordeaux, ville bourgeoise, quel symbole, quel exploit !
Pas question de faire les malins, de faire comme si nous avions tout chamboulé. Bien sûr que non. Notre campagne ne change pas la donne, le pouvoir restera entre les mains de la bourgeoisie bordelaise. La droite juppéiste et la gauche socialo-écolo-libérale sont arrivées en tête largement (34% chacun). Même le macronien, mal en point sauve sa troisième place devant nous (12,6%). Mais nous arrivons quatrièmes avec 11,77%. L’objectif est atteint.
Le fait de ne pas avoir pu aller jusqu’au bout ne permet pas de faire un vrai bilan. Mais nous avons de quoi faire pour la suite. L’équipe militante est déterminée à reprendre la bataille, à nous faire entendre encore plus fort la prochaine fois. Nous allons garder le cap, celui de notre révolte, de la démocratie directe, du partage des richesses, d’un plan d’urgence sociale. Et de fait, nous garderons aussi le cap contre la fausse alternative droite-gauche, contre les pressions et le chantage tentant de nous rendre responsables d’une nouvelle victoire de la droite. Nous avons réussi, à notre avis, à faire respecter l’existence d’une liste représentant notre camp social, pas seulement vue comme diviseuse de la gauche, comme inutile ou nuisible mais comme une liste qui a sa totale légitimité.
C’est cela que nous retiendrons, comme un air de petite victoire, comme un parfum de fierté largement partagé dans la population. Pour de nombreuses personnes, qu’elles aient voté pour nous ou pas, nous avons marqué les esprits, nous avons fait du bruit, secoué le paysage politique, nous avons certainement réussi à faire exister autre chose, à une échelle modeste mais quand même.