L'ouverture d'une enquête contre les « biens mal acquis » des dictateurs africains est une première victoire contre le système néocolonial français.
La doyenne des juges d'instruction du pôle financier a accepté la plainte de l'ONG Transparency-International, élaborée par l'association de juristes Sherpa, pour recel de détournement de fonds publics, blanchiment, abus de bien social, abus de confiance et complicité contre trois dirigeants africains, Omar Bongo du Gabon, Denis Sassou-Nguesso du Congo Brazzaville et Teodoro Obiang de Guinée Équatoriale. Le groupe Total est implanté dans ces trois pays producteurs de pétrole.
Le parquet, qui représente les intérêts de l'Etat néocolonial, avait déjà classé sans suite deux plaintes, en 2007 et 2008, estimant que les enquêtes n'avaient pas permis « de mettre en évidence les infractions pénales » alors que le fils Nguema possède des Bugatti, des Ferrari et autres Rolls-Royce, que la famille Sassou Nguesso a un patrimoine de dix-huit biens immobiliers dans les quartiers chics de Paris et est titulaire d'une centaine de comptes bancaires et que Bongo, avec 70 comptes bancaires, est propriétaire d'au moins 33 biens immobiliers pour un traitement présidentiel de 15 000 euros par mois.
Aujourd'hui, le parquet s'oppose de nouveau à l'ouverture d'une information judiciaire avec le nouvel argument que les plaignants ne peuvent justifier d'un préjudice personnel dans ce dossier.
Cette troisième plainte s'attaque au cœur du système néocolonial français, mis en place par Jacques Foccart, initiateur pour le compte de De Gaulle de la « Françafrique », dans les années 1960, au moment de la vague de décolonisation des pays africains. Ce système s'appuie sur des dictatures dont le rôle est de conserver les prérogatives coloniales de Paris sur le plan économique, en faveur des entreprises françaises, diplomatique, en alignant leur vote à l'ONU sur celui de la France, et militaire, en permettant l'installation des troupes françaises.
En parallèle, ces dictateurs du pré carré africain de l'Elysée vont financer les grands partis politiques de gouvernement, de droite comme de gauche. La longévité politique de plus de quarante ans d'Omar Bongo lui a permis d'emmagasiner nombre de secrets peu reluisants de la Ve République, ce qui fait que chacun se tient. Contrairement aux engagements électoraux de Sarkozy, un tel système n'est pas prêt de changer et les ministres de la Coopération qui ont émis des réserves se sont retrouvés illico virés, comme Jean-Pierre Cot, en 1982, et plus récemment de Jean-Marie Bockel.
Cette bataille judiciaire est donc importante, car elle est un élément de plus dans la lutte contre le maintien de la domination française sur nombre de pays africains. Une domination qui autorise, avec la bénédiction de ces dictateurs, les multinationales françaises à faire des profits considérables en pillant les peuples africains.