Publié le Mardi 29 novembre 2022 à 20h00.

COP27 : une victoire du capital fossile

La politique climatique du capitalisme vert, avec ses trois volets (mitigation, adaptation, financement) a subi un échec au sommet de Charm el-Sheikh (6-18 novembre 2022). Championne du capitalisme vert, l’Union européenne a failli claquer la porte. En revanche, la COP27 se solde par une victoire du capital fossile1.

Cette victoire est en premier lieu le résultat du contexte géopolitique créé par la sortie (?) de la pandémie et accentué par la guerre d’agression russe contre le peuple ukrainien. Nous sommes entréEs dans une conjoncture de rivalités inter-impérialistes croissantes et de réarmement tous azimuts. Les guerres, pour ainsi dire, ne sont encore que locales, et toutes ne sont pas encore déclarées, mais la possibilité d’un embrasement hante tous les responsables capitalistes. Même s’ils ne le souhaitent pas, ils s’y préparent, et cette préparation, paradoxalement, implique à la fois l’accélération du développement des énergies renouvelables et le recours accru aux énergies fossiles, donc un élargissement considérable des possibilités de profit pour les grands groupes capitalistes du charbon, du pétrole, du gaz… et du capital financier qui est derrière.

Sponsoring capitaliste

C’est en deuxième lieu le résultat de la nature même du processus des COP. Depuis Paris, le sponsoring capitaliste de ces sommets a explosé. À Charm el-Sheikh, il semble que la quantité se soit transformée en qualité. Des vingt entreprises sponsors de l’événement, deux seulement n’étaient pas liées directement ou indirectement à l’industrie fossile. Les lobbies industriels du charbon, du pétrole est du gaz avaient envoyé plus de 600 délégués à la conférence. Il faut y ajouter les « taupes fossiles » dans les délégations de nombreux États (y compris des représentants des oligarques russes sous sanctions !), pour ne pas parler des délégations officielles composées uniquement de ces « taupes », en particulier celles des ­pétromonarchies du Moyen-Orient.

Toute cette racaille fossile semble avoir changé de tactique : plutôt que de nier le changement climatique, ou son origine « anthropique », ou le rôle du CO2, l’accent est mis maintenant sur les « fossiles propres » et les technologies de carbon removal. La délégation des Émirats (mille délégués !) a ainsi organisé un side-event (événement en marge du programme officiel) pour attirer des partenaires à collaborer à un vaste projet de « pétrole vert » consistant (bêtement, car la technologie est connue) à injecter du CO2 dans les gisements, pour faire sortir davantage de pétrole… dont la combustion produira davantage de CO2.

À qui la faute ?

Un troisième facteur est intervenu : le rôle de la présidence égyptienne. Lors de la plénière finale, le représentant de l’Arabie saoudite l’a remerciée, au nom de son pays et de la Ligue arabe. La dictature du général Sissi a en effet réussi une double performance : s’imposer comme un pays fréquentable en dépit de la répression féroce de toute opposition, d’une part ; et se faire passer pour le porte-parole des peuples assoiffés de justice climatique, en particulier sur le continent le plus pauvre du monde… alors même qu’il agissait en fait en connivence avec les plus implacables des exploiteurs fossiles, tellement riches qu’ils ne savent plus quoi faire de leur fortune. Dans son discours final, le représentant saoudien a ajouté ceci : « Nous voudrions insister sur le fait que la Convention [la convention cadre de l’ONU sur le climat] doit s’occuper des émissions, et pas de l’origine des émissions ». En d’autres termes : laissez-nous exploiter et brûler des combustibles fossiles, inutile de supprimer cette source d’énergie, concentrons-nous sur la manière de retirer le CO2 de l’atmosphère, en « compensant » les émissions (capture et séquestration géologique, plantations d’arbres, achats de « droits de polluer », etc.).

Les Européens pleurnichent et battent leur coulpe : « La possibilité de rester sous 1,5 °C devient extrêmement faible et est en train de disparaître », disent-ils en substance. En effet. Mais à qui la faute ? Il serait trop simple de se défausser sur les autres. En réalité, ces hérauts du capitalisme vert sont pris à leur propre logique néolibérale : ils ne jurent que par le marché ? Eh bien, les fossiles, qui dominent le marché, ont dominé la COP… 

Personne, cette fois, n’a osé dire, comme d’habitude, que cette COP, « quoique décevante », constituait cependant « un pas en avant ». De fait, deux choses désormais sont claires comme de l’eau de roche :

– il n’y aura pas de vrais « pas en avant » sans mesures anticapitalistes et antiproductivistes radicales ;

– elles ne sortiront pas des COP, mais des luttes et de leur convergence.

  • 1. Extraits de « Victoire fossile à Charm el-Cheikh : il ne reste que la lutte », en ligne sur gaucheanticapitaliste.org.