En ce début d’année, l’heure est à l’inquiétude chez les économistes qui braquent leurs lunettes sur la Chine.
Après le krach des Bourses de Shanghai et Shenzen au mois d’août, les autorités chinoises avaient pris une série de mesures pour enrayer la dégringolade des cours : interdiction pour les gros actionnaires de vendre leurs titres, ordre aux banques d’État d’acheter massivement pour soutenir les cours (pour l’équivalent de 200 milliards d’euros environ). Puis en décembre avait été annoncée l’entrée en vigueur début janvier d’un système de « coupe-circuit » suspendant l’activité de la Bourse en cas de baisse trop brutale des cours, etc.
Résultat : le lundi 4 janvier, les cotations ont d’abord été suspendues un quart d’heure puis le recul a repris avec une telle vigueur que les Bourses ont été fermées pour la journée. Du coup, le système de « coupe-circuit » a été supprimé... Et le recul des cours continue.
A la recherche de la croissance perdue ?
Il ne faut pas exagérer l’importance économique de ces soubresauts des marchés financiers. Seule une petite partie du capital des entreprises chinoises est cotée et la chute de la Bourse aura des effets minimes sur la consommation globale, cela même s’il y aurait près de 100 millions d’actionnaires individuels. Le souci primordial des dirigeants chinois est en fait le ralentissement continu de la croissance vraisemblablement tombée en-dessous de 7 % durant l’année 2015 malgré les diverses mesures de soutien prises depuis 2008 (grands travaux, baisse des taux d’intérêt, etc.).
Une partie de ce ralentissement est « normale » : une économie ne peut croître éternellement à un rythme de 10 % par an. Mais la baisse de la croissance affecte avant tout l’industrie et est amplifiée par les conséquences de la hausse des salaires sur la compétitivité à l’exportation de certains produits chinois, et par de fortes tendances à la surproduction : les grandes entreprises ont investi à tour de bras... grâce à un accès privilégié au crédit. Dans le secteur de l’acier par exemple, les surplus chinois se déversent actuellement à bas prix sur le marché mondial.
Pour maintenir la compétitivité des exportations, les autorités chinoises semblent s’orienter vers une baisse de la valeur de la monnaie (le yuan). S’il n’est pas question d’un plan de relance aussi massif que précédemment, le gouvernement (reprenant certaines recettes capitalistes) paraît désormais décidé à engager une baisse des impôts sur les entreprises qui se traduira par un gonflement du déficit budgétaire. Tout cela crée un climat d’incertitude, avec des sorties importantes de capitaux.
Xi Dada sait-il où il va ?
Au-delà des données purement économiques, cette incertitude renvoie au fait que la crédibilité de la direction du PC chinois est désormais atteinte, malgré la propagande développée autour de « Xi Dada » (oncle Xi) si soucieux des intérêts du peuple et si acharné contre les corrompus. L’objectif affirmé de Xi Jinping et de son entourage immédiat est en fait de franchir une nouvelle étape de renforcement du rôle du marché (ce qui imposerait de fermer des entreprises non rentables) mais, simultanément, ils craignent les troubles sociaux qui résulteraient d’une hausse du chômage.
Pour l’heure, la principale répercussion du malaise chinois est la baisse du prix des matières premières que la Chine importait largement : l’Australie, le Brésil, des pays africains… sont donc entraînés par la déprime chinoise. Pour ce qui est du pétrole, s’y ajoute une frénésie productrice des Saoudiens et des Américains (pétrole de schiste). Ces derniers viennent de décider de se remettre à exporter l’« or noir » tandis que les Iraniens se préparent à accroître leurs ventes. Cela fragilise la Russie, les producteurs arabes et latino-américains, trop dépendants des recettes pétrolières.
Le spectre de 2008
A elle seule, la Chine n’est pas responsable du pessimisme qui taraude actuellement les observateurs économiques. En fait, si les marchés financiers de divers pays, y compris en Europe, ont accusé le coup, c’est d’abord parce que les indices d’une croissance mondiale ralentie en 2016 se multiplient, tandis que le commerce international demeure atone. Le cycle de croissance des USA pourrait approcher de sa fin, tandis que l’économie japonaise fait du surplace, et que l’Union européenne ne redémarre pas vraiment malgré les cadeaux aux entreprises.
Le financier américain George Soros a déclaré que la situation actuelle lui rappelait celle de 2008. Ce n’est pas évident, mais les indices d’instabilité sont tels que le spectre d’un effondrement des marchés financiers et d’une nouvelle récession hante bien le monde capitaliste.
Henri Wilno