Les violences faites aux femmes, quoi que officiellement condamnées, rencontrent une grande tolérance sociale. L’adoption de cette loi, vidée de tout contenu, en est une illustration. A l’origine de cette loi, il y a le projet de loi-cadre contre les violences faites aux femmes, proposée par le Collectif national droits des femmes (CNDF). À la suite d’un dépôt de signatures de la pétition « pour que la loi-cadre contre les violences aux femmes soit inscrite à l’ordre du jour des assemblées parlementaires », le 25 novembre 2008, au Parlement, une mission d’évaluation du bien-fondé d’une telle loi à été mise en place. Après six mois de travail, celle-ci a rendu un rapport qui a alimenté la loi contre les violences intrafamiliales. Il ne mentionnait qu’une seule fois le principe de domination masculine, ce qui augurait mal de la façon dont les violences contre les femmes sont perçues par les parlementaires : un accident individuel sans référence au patriarcat, niant ainsi le contrôle social sur les femmes. Malgré ce manque majeur, la mission formulait 70 propositions concrètes sur la prévention, l’accès au droit, la protection et le suivi des victimes, ainsi que la prise en charge des auteurs de violences. La volonté de compléter et de mieux appliquer l’arsenal juridique existant, de systématiser la coordination des professionnels (justice, travail social, personnel médical) et leur formation sur ce sujet, et surtout le financement de ces mesures et le maintien de services publics que le gouvernement supprime. Ces propositions ont été en partie évacuées lors de la rédaction de la loi et lors du passage à l’Assemblée. Ainsi seules les femmes victimes de violences conjugales bénéficieront de l’ordonnance de protection. Les victimes de la traite des humains, d’exploitation ou d’esclavage moderne en seront écartées. L’ordonnance de protection émise par le juge aura une durée maximale de quatre mois, alors que les procédures de divorce sont beaucoup plus longues. Son renouvellement ne peut se faire que si une requête en divorce est déposée et il n’est pas indiqué jusqu’à quand elle sera maintenue. La définition de l’autorité parentale et de l’intérêt de l’enfant sont également supprimés. La médiation est maintenue. Les femmes d’origine étrangère doivent être mariées avec un Français ou un régularisé pour bénéficier de la loi, mais le texte n’est pas applicable aux ressortissantes algériennes, qui font l’objet de mesures particulières en matière de droit au séjour. Les mariages forcés constituent une circonstance aggravante des violences mais le type de contraintes (physiques-psychologiques) exercé n’est pas défini. En cas de mariage forcé sur un territoire étranger, le rapatriement par les autorités consulaires ne concerne que les mineures titulaires de papiers. La création du délit de violences psychologiques, calqué sur le harcèlement au travail, reste vague et difficile à mettre en application. Reste la mesure phare du gouvernement : le bracelet électronique. Trois parquets en seront dotés pour expérimentation, avec 150 bracelets pour tout le territoire, et avec pour projet de développer cette mesure sur trois ans... Le titre de la loi change : anciennement, « loi renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes », il devient, « loi relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants ». Cette loi vidée de tout contenu et de moyens, doit retourner au Sénat en dernière lecture. Attendons de voir comment elle sera enterrée.Alexandra Kleber