Guadalupe García et Francisca Mejía, deux leaders du peuple Maya-man du nord-ouest guatémaltèque, étaient de passage à Paris dans le cadre d’une tournée en Europe pour exposer la lutte des peuples indigènes en général et des femmes en particulier, contre la présence d’entreprises transnationales en Amérique centrale. Guadalupe García a créé dans l’exil l’organisation Maman Maquín, tandis que Francisca Mejía est membre du Front de défense de San Michel Ixtahuacán, rôle pour lequel elle a subi menaces de mort et persécution. Quelle est la situation politique et sociale des femmes quinze ans après la signature des accords de paix ?Guadalupe García-Hernández : Le travail de diverses organisations sociales et populaires a permis la mise en place de différentes institutions et politiques d’État envers les femmes, mais ces mesures ont été insuffisantes et les niveaux de mortalité maternelle et infantile, l’analphabétisme et la violence sexuelle demeurent élevés. De même, dans la sphère politique, il n’y a que 19 femmes sur 158 députés et 6 sur 232 maires.Francisca Mejía-Aguilar : En même temps, le processus de paix a eu un côté occulte : l’accord de concessions minières à la suite des négociations entre l’État, l’oligarchie et les entreprises transnationales sur des megaprojets hydroélectriques, d’extraction d’hydrocarbures et le développement d’agrocombustibles. Ce qui a eu un impact direct sur les femmes en zone rurale. Quelle a été la réponse des communautés indigènes et paysannes ?G. H. Les peuples indigènes ont mis en place des conseils afin de débattre d’une stratégie de résistance face au déferlement de violence qui s’est abattue sur leurs terres ancestrales et contre l’exploitation des ressources naturelles, puisque cela a été perçu comme une attaque à ce que nous appelons le « cœur de la terre ». La réponse concrète était les consultations communautaires, une forme politique ayant des origines ancestrales et un support juridique actuel. Ce sont des plébiscites locaux où l’on demande aux enfants, aux jeunes, aux femmes et aux vieux leur avis sur l’extraction des ressources naturelles. Plus de 50 consultations populaires ont été réalisées dans différentes municipalités du pays et le résultat a été le rejet catégorique de l’exploitation des ressources naturelles, en particulier l’eau, les minéraux et les hydrocarbures. Malgré cela l’État continue de violer la décision des peuples indigènes. Nous continuons de pratiquer nos modes d’organisation et de participation politique. Face à cette situation, quel a été le rôle des partis de gauche ?F.M. Certains d’entre eux veulent s’emparer de ces processus politiques puisque ce sont des luttes légitimes qui disposent de l’appui des communautés. Les processus naissent d’en bas et les consultations sont un espace où l’on demande leur avis aux peuples indigènes. Pour le moment nous avons seulement créé un comité civique (pour postuler et élire nos propres maires), cela peut être une alternative puisqu’il s’agit de processus locaux et participatifs. Quels sont les objectifs de la tournée européenne organisée par le Collectif Guatemala ?G.H. Au niveau international, il est intéressant qu’il y ait une opinion différente sur le Guatemala, qu’il ne soit pas seulement vu comme une destination touristique mais comme un peuple en lutte. Nous avons aussi pour objectif d’établir des relations de solidarité avec les organisations sociales et politiques qui ont des affinités avec les revendications des femmes et la défense des ressources naturelles.Nous nous sommes rendu compte qu’il s’agit d’une lutte pour la vie, pour la terre, d’une lutte de tous et toutes. Nous voulons que notre lutte soit aussi votre lutte, parce que la planète concerne tout le monde. Propos recueillis par Miguel Ceto