Dix jours après le violent séisme et les nombreuses répliques qui ont frappé le Népal, de nombreux villages de montagne proches de l’épicentre restent encore inaccessibles aux secours, des quartiers entiers de la capitale Katmandou n’ont reçu aucune aide matérielle ou alimentaire, alors que des centaines de milliers de personnes campent dans les rues de la ville.
Le bilan officiel s’établit à plus de 7 000 mortEs, 14 000 blesséEs et des milliers de disparuEs. Ce bilan n’a cessé de s’alourdir au fur et à mesure des déblaiements des habitations, et le gouvernement a d’ores et déjà prévenu qu’il sera encore plus dramatique.
Et pourtant, un désastre annoncé...
Depuis plusieurs années, les scientifiques rappelaient que les forces telluriques s’accumulent sous la faille qui court le long de la frontière entre l’Inde et le Népal, à la convergence des plaques qui ont donné naissance à l’Himalaya. Un géologue français a même averti le mois dernier qu’un séisme de grande amplitude était imminent dans la zone même de l’épicentre du 25 avril.
Lorsqu’un séisme éclate, quelques dizaines de secondes séparent les ondes non destructrices (« les ondes P »), produites par le tremblement de terre, des secousses. Ces ondes peuvent être mesurées grâce à un réseau de sismographes, et cela permet alors d’alerter la population qui a entre 15 et 20 secondes pour fuir les bâtiments ou se réfugier sous une table. Ces systèmes coûtent cher, et seuls le Japon, les États-Unis et le Mexique en sont dotés. Pour la côte ouest des États-Unis, cela coûte par exemple près de 56 millions de dollars par an. Une somme bien au-dessus des moyens du Népal, classé parmi les 20 pays les plus pauvres de la planète.
Bien que les risques soient connus, la ville de Katmandou s’est étendue de façon anarchique, sans même suivre les normes officielles de construction antisismique, comme une inextricable jungle de béton. En 1988 déjà, des scientifiques avertissaient qu’en cas de grave séisme, 60 % des habitations seraient détruites. Malgré ces calculs, le pays ne s’est pas préparé : pas de prévision pour faire face, pas de schéma d’alerte ou d’évacuation efficace.
Le cirque humanitaire
Une grosse partie de l’aide humanitaire d’urgence acheminée par des dizaines de pays n’est pas encore parvenue à sortir de l’aéroport, bloquée par les douaniers chargés de vérifier le contenu des colis. Enfin, quand elle a pu y être acheminée ! Car l’aéroport de Katmandou, vétuste et ne disposant que d’une seule piste, a vite été saturé et plusieurs avions chargés de fret n’ont pas pu atterrir et ont dû être déroutés.
Des dizaines d’ONG se sont précipitées sur place, mais sans coordination, sans appui logistique sur place, et donc sans efficacité. « Les tremblements de terre attirent les ONG et les médias, et particulièrement celui-ci », a remarqué un responsable d’ONG. Les Nations unies ont fait un appel aux dons de 415 millions de dollars (371 millions d’euros) pour répondre aux besoins d’urgence de ces prochains mois, mais ce sont des milliards qui seront nécessaires pour reconstruire le Népal dans le long terme. Quel pays riche sacrifiera les milliards d’euros de son budget militaire pour les donner aux Népalais une fois la parenthèse médiatique refermée ?
Les survivantEs en proie à la colère et à l’angoisse
Dans la population sinistrée, la colère monte devant l’incurie des dirigeants et l’incapacité des autorités à fournir l’aide la plus élémentaire. Des habitantEs de la ville de Baneshwor ont tenté d’attaquer un convoi transportant des ministres et des membres de la Commission nationale de planification qui gère les opérations de secours. Des salariéEs d’ONG ont été pris en otage dans certains villages. Mercredi 29 avril, des milliers de manifestantEs ont bloqué la circulation à Katmandou pour protester contre leur abandon. La plupart des habitants quittent d’ailleurs la ville pour se réfugier à la campagne, de peur de la famine et des épidémies, notamment le choléra qui risque de se répandre comme une traînée de poudre avec l’arrivée des pluies de la mousson à partir du mois de juin.
Le Népal va connaître le sort de tous les pays pauvres touchés par une catastrophe « naturelle » : des années, voire des décennies de régression sociale, quand, à la misère quotidienne du monde capitaliste, viennent s’ajouter les destructions, les épidémies, le manque de nourriture et les migrations forcées.
Marie-Hélène Duverger