Au récent congrès de la Mutualité, François Hollande a reconnu les difficultés d’accès aux soins d’une partie croissante de la population et a annoncé « la généralisation de l’accès aux complémentaires santé », au lieu de faire le choix de la prise en charge des soins par Sécu, à 100 % et pour tous, comme cela était prévu lors de sa fondation. Retour sur les dérives d’une institution ouvrière devenue le cheval de Troie des contre-réformes.Les mutuelles se développent au xixe siècle avec la révolution industrielle. Depuis la loi Le Chapelier de 1791, les coalitions sont interdites, mais les « Sociétés de secours mutuels » jouent le rôle de syndicat, financent les soins et… les caisses de grève. La bourgeoisie les réprime puis les contrôle. Elles sont légalisées en 1852.Près de 10 millions de personnes sont membres de la Fédération nationale de la mutualité française (née en 1902) lorsque celle-ci gère les 4/5 des caisses d’assurances sociales, créées dès 1930 en faveur d’une partie de la classe ouvrière. En 1941, la FNMF reconnaît ses valeurs dans la charte du travail instaurée par Pétain. À la Libération, son soutien au gouvernement de Vichy lui vaut d’être écartée de la gestion de la Sécurité sociale au bénéfice des syndicats. Avec l’appui de la CGT se créent ainsi les « Mutuelles ouvrières » afin de « garantir les valeurs de solidarité ».Dans les années 1980, la FNMF se rapproche des syndicats. En 2002 « la Mutualité ouvrière » (devenue « Fédération Mutuelles de France ») la rejoint. La CGT est le fer de lance de l’opération. Une minorité s’y oppose et créé les « Mutuelles Solidaires » qui continuent à se prévaloir des valeurs de solidarité et à revendiquer le remboursement à 80 % par la Sécu (pour aller vers le 100 %).
Mutuelles ou assurances ?En 1993, la FNMF demande que les mutuelles soient considérées comme des « entreprises d’assurances » au sens de la législation européenne. Les directives européennes sont transposées dans le code de la mutualité. Les mutuelles doivent constituer des réserves financières d’un même niveau que les assurances. Elles sont nombreuses à devoir fermer ou fusionner (il en reste 700 sur 4 500). Certaines choisissent de s’associer avec des assurances : la MAAF et les Mutuelles du Mans avec les AGF, ou Groupama avec le GAN. Les pratiques se rapprochent. Les mutuelles ne peuvent pas sélectionner leurs adhérents à la différence des assurances mais certaines proposent des prestations diversifiées selon le niveau de souscription, des délais avant l’adhésion définitive, la hausse des cotisations après 60 ans pour s’adapter aux dépenses de la tranche d’âge. Les différences entre les diverses « complémentaires santé » se banalisent. En signant un contrat, qui sait s’il est client d’une assurance ou sociétaire d’une mutuelle ?
De la Sécu aux complémentairesDans les années 2000 les remboursements de la Sécu diminuent au profit des complémentaires. Mais ça ne leur suffit pas. En 2009 la FNMF propose de prendre en charge les maladies graves afin « de réaliser ce que l’assurance maladie n’arrive pas à faire ». En 2012, elle approuve l’accord sur les dépassements d’honoraires et propose d’en rembourser une partie. Les assurances veulent gagner des parts du « marché ». Elles proposent des prestations à des coûts inférieurs aux mutuelles et mènent d’importantes campagnes publicitaires.Les travailleurs paient la totalité des contrats individuels souscrits pour les complémentaires tandis que les cotisations sociales payées par les employeurs financent majoritairement la Sécu. Chaque recul de la Sécu au profit des complémentaires est donc une nouvelle victoire du patronat. C’est pourquoi le NPA revendique l’intégration des mutuelles, avec leurs biens et personnels dans la Sécu. Elle seule doit être autorisée à rembourser les soins et à un seul niveau : 100 % !S. Bernard