La crise politique qui secoue la Thaïlande est une bataille pour la démocratisation de la société contre les élites traditionnelles et l’armée.
La crise politique qui secoue la Thaïlande est une bataille pour la démocratisation de la société contre les élites traditionnelles et l’armée.
Il est simple de repérer, par la couleur de leurs chemises, le camp auqel appartiennent les manifestants en Thaïlande. Les « chemises jaunes » sont ceux qui défendent l'establishment qui accapare le pouvoir depuis près de 70 ans. Ils sont contre le principe démocratique « un homme, une voix », jugeant les classes populaires incultes. Ils sont appuyés par les hautes sphères militaires, les royalistes, les membres du parti démocrate et les juges des différentes hautes cours.
Les « chemises rouges » sont une coalition regroupant des militants opposés au coup d'Etat de 2006 qui a renversé le premier ministre démocratiquement élu, Thaksin Shinawatra, des démocrates et républicains sincères et la grande majorité populaire des Thaïlandais.
La simplicité s'arrête là. L'ancien premier ministre Thaksin, qui a remporté deux fois les élections, est un chef d'entreprise milliardaire contestant la main mise des élites traditionnelles sur l'appareil d'Etat et défendant les intérêts d'une bourgeoisie plus moderne. Ce n'est ni un homme de gauche ni un humaniste mais un politicien avisé ayant su concéder des mesures sociales pour obtenir le soutien de la population déshéritée. Cela a créé une dynamique politique conduisant les Thaïlandais à se vivre de plus en plus comme des citoyens et non plus comme de simples sujets du roi.
Le coup d'Etat de 2006 était une tentative des militaires et des royalistes de revenir en arrière. Les classes populaires revendiquent le respect du résultat des urnes et questionnent, pour la première fois depuis 1932, le rôle de la monarchie qui a soutenu tous les coups d'État militaires. Trois gouvernements démocratiquement élus ont été renversés depuis 2006. L'actuel premier ministre, Abhisit Vejjajivah, a été porté au pouvoir par les militaires.
Les chemises rouges ont manifesté pacifiquement pour demander son départ et de véritables élections démocratiques. La semaine dernière, ils ont envahi l'hôtel qui abritait le sommet des chefs d'État des dix pays de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (Asean), forçant Abhisit à l'annuler. Le gouvernement ne survivra sans doute pas à une telle humiliation. Pour le moment, il s'est maintenu au pouvoir en envoyant la troupe et des milices tirer sur les manifestants (plusieurs morts et de nombreux blessés) et en interdisant tous les journaux, radios et sites internet ne défendant pas le pouvoir.
Au-delà du sort d'Abhisit, ce qui est en jeu est une réelle démocratisation de la société thaïlandaise avec peut-être la fin de la monarchie. Le mouvement des « chemises rouges » a fortement évolué au cours des derniers mois de lutte. Il s'est en parti affranchi du leadership de Thaksin. Il lui reste à construire une véritable force politique progressiste et de gauche représentant les intérêts des millions de pauvres.