Le secteur du transport aérien a beaucoup évolué depuis les années 1990.
Dans les années suivant la Seconde Guerre mondiale, notamment avec les nouveaux avions à réaction, le transport aérien commercial international s’est largement développé, guidé essentiellement par les principales puissances impérialistes (USA, Grande-Bretagne, France, rejointes ensuite par l’Allemagne et le Japon). De plus, les USA avaient un réseau domestique très développé.
Dans cette période, les compagnies étaient essentiellement des compagnies à capitaux publics, ou dans tous les cas protégés par un monopole avec des accords bilatéraux pour les lignes internationales. Un secteur mobilisant beaucoup de capital pour un très faible niveau de rentabilité capitaliste (en général déficitaire, ou avec de 1 % à 3 % de retour sur capital au maximum), et relevant des intérêts diplomatiques et étatiques de chaque pays.
Les années 1990 et la mondialisation capitaliste ont bouleversé le secteur. Les protections / réglementations nationales ont sauté les unes après les autres, les besoins des grandes entreprises industrielles et commerciales en matière de transports de collaborateurs et de fret ont explosé, le secteur a connu depuis lors une progression quasi linéaire de 5 % par an.
Dès lors, les investisseurs privés se sont intéressés à un secteur peu à peu remodelé pour en faire un secteur capitaliste rentable. Les compagnies low cost sont apparus sur des niches rentables, des centaines de compagnies se sont créées en bénéficiant de la déréglementation, tout autant ont très vite disparu, des concentrations et des alliances se sont nouées… toujours sous l’égide des grandes compagnies des principaux pays impérialistes. La maintenance des avions a suivi à peu près le même chemin…
De même, tous les services au sol (catering, assistance, sûreté, nettoyage…) se sont développés, se séparant souvent des compagnies aériennes elles-mêmes et des gestionnaires d’aéroport).
Capital concentré, salariéEs éclatés
Aujourd’hui, plus de 20 ans après ces déréglementations, le secteur, au niveau international, présente un visage presque homogène. Trois alliances monopolisent l’essentiel des lignes et la grande majorité des passagers (Star Alliance, Sky Team et One World), chacune tissant un réseau intercontinental (avec sa propre fidélisation de clientèle, les fameux « miles ») et ayant soumis de petites compagnies low cost assurant une partie du réseau. Les principales compagnies low cost et les compagnies du Golfe s’intègrent peu à peu à ce système.
La concentration se double d’une segmentation des marchés qui permet de créer des centaines de petites compagnies locales à bas coût et à bas salaires et d’augmenter la pression sur les salariés des compagnies mères.
Le schéma est identique au sol où l’existence de milliers de petites entreprises cache de moins en moins une concentration de grands groupes internationaux, de nettoyage, de sécurité, d’assistance, de catering. Là encore, si le capital est concentré, les salariéEs eux sont éclatés en petites unités, les salariéEs changeant en permanence d’employeurs au gré des reprises de marché.
Cela a permis de transformer le transport aérien en secteur capitalistiquement rentable pour les grands groupes, au prix d’un éclatement des statuts et des entreprises et d’une précarisation croissante, rendant difficile les luttes communes dans le secteur.
Léon Crémieux