Publié le Mercredi 8 février 2017 à 13h55.

Trump : la résistance s’impose

L’ex-star de la téléréalité est donc devenue le 45e président des Etats-Unis. Donald Trump, cette caricature sur pattes, raciste, mysogine, démagogue, vulgaire, populiste, se retrouve à la tête du pays le plus puissant du monde.

Dès les premiers jours, il a annoncé la couleur. Par la composition de son gouvernement, d’abord : quatre milliardaires, trois généraux, une flopée de conservateurs purs et durs, quatre femmes seulement, un seul noir et aucun hispanique. Un climato-sceptique à la tête de l’Environnement, un cadre de Goldman Sachs comme ministre des Finances, une partisane de l’école privée en charge de l’Education nationale, un clone de Bernard Tapie au Commerce, un ministre de la Justice ouvertement raciste… Et le reste à l’avenant. Les électeurs qui auraient voté pour lui contre les banquiers, responsables selon le candidat Trump de la crise de 2008, peuvent maintenant prendre la mesure de ses rodomontades.

Les premières mesures sont éclairantes. L’annulation de la baisse des frais d’emprunt sur certains prêts fédéraux à destination des plus pauvres pour accéder à la propriété, une décision clairement au profit des banques. Le début de démantèlement du système d’assurance-maladie mis en place par Obama, une mesure anti-pauvres et pro-assurances privées. L’interdiction du financement sur fonds publics d’ONG étrangères qui soutiennent l’avortement, contre les femmes. Le gel des embauches au niveau fédéral, contre l’emploi. L’autorisation de la construction d’oléoducs contestés, contre l’environnement. La construction d’un mur de 3200 kilomètres avec le Mexique. Et pour les patrons : des baisses d’impôts massives et des promesses de déréglementation.

S’y ajoute l’ordre exécutif raciste et vexatoire pris à l’encontre des étrangers musulmans : suspension des visas pour les ressortissants de sept pays, interdiction d’entrée sur le territoire pour les Syriens (sauf chrétiens), suspension du programme fédéral d’admission et de réinstallation de réfugiés. A noter que l’Arabie saoudite, d’où provenaient pourtant 15 des 19 terroristes du 11 septembre, est épargnée par les mesures de blocage au frontières ; il faut dire que Trump y a d’importants intérêts d’affaires…

 

Des mensonges ? Non, des faits alternatifs

Vis-à-vis de tous ceux qui doutent à juste titre des affirmations de ces ultra-réactionnaires au pouvoir, il y a eu un étonnant glissement sémantique : les mensonges sont désormais appelés… faits alternatifs. Contre toute évidence, le porte-parole de Trump avait prétendu qu’il n’y avait jamais eu tant de monde à une investiture présidentielle, alors que les photos de l’investiture d’Obama prouvaient clairement le contraire. L’attachée de presse affirma alors qu’il évoquait des « faits alternatifs ».

Cette mauvaise blague a eu un effet inattendu : le livre de George Orwell, 1984, est passé en tête des ventes aux Etats-Unis, avec une augmentation de 9500 % en quelques jours. L’ouvrage dénonce une dictature essayant d’interdire toute pensée critique. « Le Parti disait de rejeter le témoignage des yeux et des oreilles. C’était le commandement final et le plus essentiel », écrit Orwell. On croirait que cela a été pensé pour Trump.

De nombreux Américains ont bien senti le danger auquel ils sont confrontés. Les femmes, les immigrés de fraîche date sont dans le collimateur, tout ce qui n’est pas homme blanc, raciste, mysogine et fortuné se retrouve visé.

 

La rue fait face

Dès le lendemain de l’investiture, une immense marche des femmes (et de nombreux hommes), plusieurs millions de personnes au total, a parcouru les villes du pays : 250 000 à Chicago, 500 000 à New York, près d’un million à Washington ou à Los Angeles… ; à Dallas, le plus grand rassemblement de femmes jamais vu au Texas ; à Montpelier, plus petite capitale d’Etat, 20 000 manifestants soit trois fois la population de la ville… Parmi les slogans entendus : « nous n’allons pas tolérer un leader qui promet la culture du viol, le racisme ou des lois favorisant le fanatisme religieux », « merci Trump, vous m’avez fait militer », « la place des femmes est dans la résistance ».

Le même jour, des manifestations de solidarité ont eu lieu dans plus de 80 pays, regroupant un million de participants. Et dans les aéroports du pays, ce sont maintenant des milliers de manifestants qui protestent contre les mesures racistes en clamant leur solidarité avec les personnes bloquées aux frontières.

Une partie de la population américaine a d’ores et déjà retrouvé le chemin des luttes, des protestations et de l’activité militante. Non, le populiste Trump n’a pas gagné contre la majorité de la population américaine !

 

Régine Vinon