Publié le Jeudi 24 mars 2022 à 08h52.

19 Mars : écoutez les sans-papiers !

Arrêter de reculer. Articuler luttes concrètes, revendications spécifiques et lutte globale. Voilà la leçon de détermination et de politique que n’arrêtent plus de proposer les collectifs de sans-papiers à tout le mouvement depuis la manifestation interdite où des milliers d’entre elles et eux ont débordé le dispositif policier à la sortie du confinement strict il y a deux ans jusqu’à la mobilisation contre le sommet France-Afrique de Montpellier il y a quelques mois en passant par la Marche nationale d’il y a un an, les piquets de grève qui tiennent et se battent depuis près de six mois ou la campagne pour les cinq camarades poursuivis pour avoir été à Montpellier.

Pas de hasard si ce sont les collectifs de sans-papiers et la Marche des solidarités qui ont proposé à tout le mouvement de mener une campagne globale contre le racisme avec un appel signé à ce jour par 410 organisations, locales et nationales. Pas de hasard si ce sont les collectifs de sans-papiers qui ont défendu, au départ de la manifestation parisienne de ce 19 mars de ne pas bouger, de refuser cette parodie que devient le « droit de manifester » quand les manifestantEs sont littéralement nasséEs par le dispositif policier.

« Est-ce qu’on ne partage pas la même planète ? »

À travers ces luttes, à travers la campagne, une nouvelle génération parmi les sans-papiers émerge. Écoutez-les, écoutez Tidiane, Bchira, Youcef, Anthioumane. Ecoutez Dembele, un des délégués des piquets de grève, lors de la manifestation : « On dit égalité pour tous, justice pour tous. Est-ce qu’on ne partage pas la même planète ? La guerre en Afrique nous on connaît depuis longtemps, la guerre déclenchée par des occidentaux. Alors nous les Ukrainiens on est avec eux mais faire une différence entre les réfugiés, les réfugiés africains, les réfugiés syriens, ça c’est du racisme. Ce n’est pas une question de place, c’est du racisme. On dit de l’air ouvrons les frontières, la Méditerranée est un cimetière. »1

Voilà ce qu’a mis en lumière cette manifestation. Et la capacité à commencer à inspirer, à se lier, avec des jeunes, des collectifs féministes, des groupes antifascistes. Cette dynamique a permis qu’à Toulouse se tienne, sur le même appel, une manifestation significative. Il faut aussi saluer les manifestantEs et les réseaux militants venuEs en cars de Rennes, Rouen et Elbeuf, les rassemblements et manifestations qui ont eu lieu à Saint-Étienne, à Dijon, à Lyon…

Il faut apprendre vite

Tout cela est de l’or pour toute la période à venir.

Parce que toute la situation politique actuelle confirme que les enjeux soulevés par la Campagne Antiracisme et Solidarité ne sont pas seulement des thèmes posés de manière obscène dans une campagne électorale mais des enjeux de fond qui n’arrêteront pas de déterminer notre futur.

Parce qu’au-delà des milliers de manifestantEs de ce 19 mars, la Campagne n’a pas réussi, à ce stade du moins, à créer un « mouvement de société ». Et qu’il faut apprendre vite. Pourquoi l’absence de la CGT (qui à Paris appelait à manifester), de nombreuses associations et organisations signataires ? Pourquoi une telle faiblesse de la lutte contre l’islamophobie, et d’autres fronts de la lutte contre le racisme, l’absence de plusieurs associations de solidarité avec les migrantEs ? Des milieux dits « intellectuels », de la culture, des médias « indépendants », etc. ? Pour construire à la hauteur des enjeux le silence n’est pas une réponse car il ne permettra pas d’avancer.

La Campagne Antiracisme et Solidarité ne lâche pas. Elle appelle à participer, sur les bases de son appel « Notre pays s’appelle Solidarité », le 9 avril, aux Marches pour le futur organisées par différentes organisations dont Alternatiba et le Comité Adama, et à y constituer des cortèges.