Depuis l’arrestation à Marseille du tireur présumé du Musée juif de Bruxelles, Mehdi Nemmouche, le ministre de l’Intérieur, la gauche et la droite se livrent, avec la complicité des médias, à une campagne dont l’hypocrisie ne peut être masquée par l’odieux de l’attentat antisémite du 24 mai qui a fait quatre morts.
«Enquête sur l’islam en prison » titrait le Parisien à l’image de toute la presse qui relaie complaisamment la propagande gouvernementale. Sous couvert de lutte contre le djihadisme, Valls se veut homme d’action en déclenchant, en particulier à Toulouse, des perquisitions menées par la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure). Il s’agit de construire un lien entre Mohamed Merah, auteur de l’attentat antisémite de Toulouse, Nemmouche et les réseaux islamistes et djihadistes. Une fois encore Valls associe campagne contre les musulmans et prétendue lutte contre le terrorisme. Il n’imagine qu’une réponse policière plutôt que de s’interroger sur les responsabilités de l’État impérialiste français. Mehdi Nemmouche, pris en charge dès sa naissance par l’aide sociale à l’enfance, se convertit, en prison, à la religion puis rejoint un an durant des groupes islamistes en Syrie. Si l’on en croit le ministre de l’Intérieur, Merah, Nemmouche ne seraient que des éléments d’un phénomène beaucoup plus important touchant des centaines de jeunes. Pourquoi des jeunes peuvent-ils adhérer à une idéologie religieuse réactionnaire, rejoindre les camps d’entraînement djihadistes, partir faire la guerre en Syrie ou revenir décidés à employer les méthodes terroristes qu’ils ont apprises pour leur guerre, contre l’Occident, les Juifs ? Comment de telles dérives sont-elles possibles ?
Les fruits pourris des politiques impérialistesLa montée du racisme, orchestrée par l’État lui-même, des nationalismes et, en corollaire, de l’antisémitisme, ainsi que l’omniprésence des religions associées à la régression sociale qui frappe tout particulièrement des jeunes rejetés par la société, fournissent le terrain à de telles dramatiques dérives individuelles. Et la politique de l’État français lui-même en Syrie, encourageant les forces islamistes réactionnaires, n’a-t-elle pas ouvert bien des portes aux groupes djihadistes qu’il est bien incapables de contrôler ? Dans leur guerre permanente pour la domination du monde, les États impérialistes n’hésitent pas à enrôler à leur service des marginaux désespérés embrigadés dans ses groupes terroristes, nationalistes et religieux qu’ils cherchent à manipuler. Toutes les mesures policières, la cyberpolice, seront impuissantes à enrayer les logiques sociales et politiques. D’ailleurs Valls n’est pas dupe : « Ce n’est pas tout de faire des lois, il faut aussi avoir les moyens de les appliquer »... Certes mais ce qu’il veut, c’est faire l’opinion en flattant les peurs qui nourrissent les préjugés réactionnaires pour mieux la soumettre à l’État et à l’ordre dominant. C’est aussi ce que veulent le Front national, le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) ou l’UMP en demandant que les djihadistes binationaux, qui partent combattre en Syrie ou ailleurs, soient déchus de la nationalité française. Des gestes inefficaces contre d’éventuels terroristes, mais une propagande pour embrigader la population au nom des prétendues valeurs qui fondent leur République impérialiste.
Yvan Lemaitre