Publié le Dimanche 5 janvier 2014 à 10h25.

Guyane. La police tire : cinq balles dans le corps

Gerlan Carlos Batista Da Silva, un Guyanais âgé de 32 ans, a été tué dans la nuit du 14 décembre, à la sortie d’un dancing, dans un quartier populaire de Cayenne. Onze balles au moins ont été tirées par les policiers, cinq ont traversé son corps, les dernières alors qu’il était déjà au sol. 

Le soir suivant, les « forces de l’ordre » ont investi la Mâtine, le quartier qui l’a vu grandir. Quelques jeunes manifestaient leur colère face à la mort de leur copain, et dans les maisons les voisins participaient à la veillée. La police a fait usage de flash-ball et de grenades lacrymogènes en tir tendu. Plusieurs personnes dont un frère de Gerlan ont été arrêtés. Des habitants ont déclaré avoir reçu des coups et des insultes racistes du type :« Sale Brésilien, rentre dans ton pays… » Une semaine plus tard, une marche d’une centaine de personnes était organisée par sa famille et par l’association Les Amis de la Krik, dont il était membre, « en hommage à notre frère Gerlan, pour que toute la lumière soit faite sur cette histoire ».

Pour la police, il s’agit de légitime défense. Interpellés par les vigiles suite à une bagarre, les trois policiers auraient fait face à un homme qui les aurait menacés de son revolver. Ils ont donc ouvert le feu à plusieurs reprises, sans sommation ni coordination, pour se protéger… Selon des témoins présents sur les lieux, Gerlan n’aurait à aucun moment sorti ni brandi son arme en direction des policiers, mais seulement soulevé son T-shirt. Il portait effectivement un revolver, hors d’usage et pas chargé, a confirmé l’enquête.

Ambiance raciste et sécuritaireUne information judiciaire a été ouverte, mais le principal témoin n’a toujours pas été entendu, et les policiers sont restés libres. Au même moment, dans une autre affaire, les 27 fonctionnaires de la BAC ont déposé lundi leur démission par solidarité envers deux de leurs collègues visés par une enquête. En cause : l’utilisation d’un flash-ball lors d’une intervention.  En tant que président de l’Olympique de Cayenne, le club de foot dont Gerlan était membre depuis « sa tendre enfance », Albert Darnal, ancien responsable syndical de l’UTG, a réuni plusieurs témoignages dans une lettre ouverte, « J’accuse », publiée sur Facebook. Il dénonce les pratiques policières et la désinformation médiatique qui visent à « diviser pour mieux régner ». Face aux commentaires nombreux sur les « étrangers », en l’occurrence les Brésiliens, rendus responsables de tous les maux, il rappelle que Gerlan, né à Cayenne d’une famille installée depuis plusieurs décennies, était un Guyanais. Ces rappels sont utiles face au consensus de la quasi-totalité de la classe politique guyanaise autour des thèmes de l’insécurité et  l’immigration. La police a encore frappé dans un silence assourdissant. Pourtant, que ce soit à Cayenne, à Paris, ou dans d’autres villes d’Amérique du Sud, la répression policière n’apporte jamais de solutions aux problèmes sociaux.

De Cayenne, Vincent Touchaleaume