Borne vient d’annoncer le report à l’automne du vote sur la loi Asile et Immigration, et ce après que Macron a d’abord annoncé la découper en rondelles — pour mieux faire passer la pilule — puis déclaré, dans son discours du 17 avril, qu’elle serait la prochaine priorité.
Une valse-hésitation qui est autant de signes de panique d’un pouvoir en crise, illégitime, ne gouvernant plus qu’à coups de 49.3 et de répression policière. Ce 29 avril, de nombreuses manifestations, pour la 3e fois à l’appel du collectif national UCIJ, ont eu lieu en France contre cette loi et le racisme d’État décomplexé qui, avec l’opération Wuambushu, se déchaîne à Mayotte (voir l’Anticapitaliste n° 659 du 27/04/2023).
Détourner la colère sociale
Darmanin porte ce projet depuis des mois, et il a fait déjà appliquer certaines dispositions par circulaire aux préfectures pour accélérer les expulsions. Mais en choisissant de faire passer dans le même temps cette loi et la réforme des retraites, le gouvernement, toujours en concurrence avec les extrêmes droites sur le terrain du racisme, espérait aussi détourner la colère sociale en désignant à nouveau les étrangerEs comme boucs émissaires et démontrer qu’il était le meilleur sur ce terrain. La force du mouvement social en cours contre la contre-réforme des retraites a bouleversé le scénario du gouvernement. Il a dû reculer sur sa loi mais le danger reste entier.
D’autant que Borne est à la recherche d’un accord avec la droite, en particulier LR. Si, pour le moment, cette dernière tente de surfer sur le discrédit du gouvernement, elle est bien décidée à « ne pas se contenter d’eau tiède » (Ciotti). Ses projets sont encore plus sinistres : suspension de l’AME, interdiction d’accueillir les demandeurEs d’asile à l’intérieur des frontières, arrêt du regroupement familial, instauration des quotas… Quant aux extrêmes droites encouragées par les discours officiels qui tracent un trait d’égalité entre migration et délinquance, elles n’attendent pas la loi Darmanin pour multiplier leurs attaques racistes et islamophobes : mobilisation à Saint-Brévin contre l’installation d’un CADA, menaces contre les concerts du rappeur antiraciste et antifasciste Médine, attaques et dégradations de mosquée : 77 depuis 2019 (selon Mediapart), et ce en toute impunité, avec un silence bienveillant de Darmanin par ailleurs si prompt à dénoncer les prétendus terroristes d’extrême gauche !
Démonstration de la politique gouvernementale à Mayotte
Le report de sa loi n’empêche pas le gouvernement de s’enfoncer toujours plus dans sa politique autoritaire. Au contraire, il fait en ce moment la démonstration à Mayotte qu’il est prêt au pire pour mener à bien sa politique raciste au nom d’une lutte contre la délinquance synonyme de migration. Peu importe que son opération vire au fiasco diplomatique et judiciaire. Peu importe qu’en attisant la haine entre MahoraisEs et ComorienEs, il risque d’entraîner cette colonie misérable — « département français » ! — dans un chaos sanglant de luttes intercommunautaires. Tout ce dont est capable le colonialisme raciste français !
De nombreuses voix se sont élevées, juristes, associations, collectifs, syndicats, personnalités, contre la loi Darmanin, et y compris contre l’opération barbare à Mayotte. Mais ce qui est à l’ordre du jour plus que jamais, ce sont des mobilisations de masse ; ce sont notamment, réalisant l’unité de notre classe, les mobilisations sur les questions sociales et démocratiques reprenant à leur compte les revendications en défense des migrantEs, pour un accueil digne, pour la liberté de circulation et d’installation.