Début septembre fut diffusé sur Internet un extrait de film, intitulé « L’innocence des musulmans », marqué par la bêtise. Mahomet, le prophète de l’islam, est montré comme un personnage à la limite de la folie, homosexuel et obsédé sexuel. Loin de présenter une quelconque critique de la religion musulmane, ce pseudo-film est un unique cri de haine.Ses diffuseurs prétendaient qu’il aurait été « produit par un promoteur immobilier juif américain et financé par cent juifs ». Élucubration, le réalisateur est un Américain d’origine égyptienne chrétienne nommé Makoula Baziley Makoula. Ce personnage est proche d’un prêtre, Zakaria Botros, qui prône le séparatisme copte, la création d’une région purement chrétienne en Égypte. Le producteur du pseudo-film aurait été aidé, dans sa fabrication et diffusion, par un réseau de la droite évangélique nord-américaine, autour de Steve Klein, vétéran de la guerre du Vietnam proche des milieux d’extrême droite.Une fois le film connu, des réactions parfois « radicales » par la forme se sont enchaînées. Des manifestations et par endroits des attaques en règle, dirigées contre les ambassades de certains pays occidentaux, ont été organisées. En apparence spontanées, ces démonstrations de colère étaient en réalité, la plupart du temps, l’œuvre de groupes politiques et religieux organisés.Le noyau dur militant de ces mobilisations appartient, la plupart du temps, à la mouvance salafiste. Ce sous-courant de l’islam politique, néofondamentaliste et qui se veut « gardien du dogme », est très minoritaire à l’heure où les principales formations islamistes, d’En-nahdha en Tunisie aux Frères musulmans égyptiens, pratiquent la « Realpolitik » en participant au gouvernement. Ses militants étaient pour l’occasion mêlés à de jeunes chômeurs frustrés des résultats sociaux du gouvernement, à Tunis, ou encore à des « ultras » du club de football Zamalek (ayant un grand nombre de comptes à régler avec la police) au Caire.À Benghazi, en Libye, où fut tué l’ambassadeur des États-Unis dans la nuit du 11 au 12 septembre, il s’agissait d’une attaque par une milice structurée, apparemment planifiée à l’avance.Pour les courants intégristes minoritaires, c’était une occasion toute trouvée de se placer sur la scène politique, pour tenter de prendre la place jusqu’ici occupée par les grandes formations islamistes, désormais confrontées aux contradictions inhérentes à la participation au gouvernement. Les salafistes tentent de se placer en « avant-garde » militante pour dévoyer la révolte populaire avec un discours radical dans la dénonciation de l’Occident (sans avoir cependant aucune notion d’impérialisme, le problème n’étant à leurs yeux que celui de « l’affrontement culturel » et nullement socio-économique) combinée à une absence de projet social – en dehors d’un discours moralisateur qui s’offusque de la « corruption », expliquée par le non-respect des commandements de la piété – et le rêve de retour à un « âge d’or » situé dans le passé.À l’heure actuelle, des fonds importants de provenance saoudienne et qatarie sont alloués aux groupes salafistes dans différents pays. Il s’agit pour les monarchies du Golfe d’évacuer tout contenu social, démocratique et émancipateur des révolutions arabes, d’étouffer la révolte, de la dévoyer. Ce qui arrange aussi les défenseurs de l’Occident contre la prétendue « menace musulmane » qui, ici, tentent de développer racisme et xénophobie…Ces manœuvres visent à diviser les peuples, à les dresser les uns contre les autres, et sont autant de pièges, un « jeu » dangereux, ici comme dans le monde arabe. Il faut barrer la route à tous ceux qui veulent s’y livrer, en condamnant les provocations haineuses qui attisent le racisme tout autant que leur instrumentalisation.Bertold du Ryon