La récente interview de Christiane Taubira dans le journal Libération et la belle tribune dans le Monde de Harry Roselmack, l’ex-présentateur du JT de TF1, contre le retour de « la France raciste » sont plus que bienvenues, au moment où les discours et les actes racistes ne cessent d’augmenter.
Depuis son arrivée au gouvernement, Christiane Taubira a été violemment attaquée par la droite et l’extrême droite, mais ces dernières semaines, le racisme a franchi un nouveau seuil. Comparée d’abord à un singe par une candidate du FN, puis insultée par des enfants et leurs parents dans un rassemblement des anti-mariage pour tous, aux cris de « Guenon, mange ta banane ! », Taubira s’est étonnée du manque de réaction dans le pays. Cela a été la goutte d’eau de trop aussi pour Harry Roselmack qui s’est dit soudain « ramené à ma condition nègre ».Christiane Taubira nous avait déjà régalés avec sa réponse au « discours mortifère et meurtrier » du Front national. Cette fois, c’est Roselmack, bien moins timide que la plupart des hommes politiques de gauche, qui affirme clairement que « la xénophobie, le racisme constituent le ciment essentiel » du FN.
Qui alimente les préjugés ?Dans son interview, Taubira a bien raison de pointer les responsabilités, non seulement de l’extrême droite mais aussi de la droite : les discours de Sarkozy à Grenoble et à Dakar, Hortefeux et ses « blagues » racistes, l’identité nationale, Copé, Fillon et le FN… Cette course après les électeurs du FN a bien sûr largement contribué à donner confiance aux racistes qui se lâchent.Par contre, sur les responsabilités du gouvernement actuel, à part quelques critiques très diplomatiques de la politique d’immigration et envers les Roms, c’est silence radio. Pourtant les dégâts sont immenses : l’abandon du droit de vote pour les étrangers, la poursuite de la politique sarkoziste de l’immigration, la stigmatisation des musulmans, les déclarations racistes de Valls sur les Roms et enfin, plus fondamentalement, la gestion loyale du capitalisme en crise.Roselmack pointe la responsabilité de la crise « qui alimente la xénophobie ». Mais cette crise ne tombe pas du ciel, elle est une conséquence de la logique même du capitalisme. C’est pourquoi les appels de Taubira à la « cohésion sociale » et à la défense de « la République » sont au mieux une illusion, au pire une tromperie. La République réelle et concrète — et non pas les valeurs abstraites qu’elle invoque — est bien une république capitaliste qui jette des millions de personnes au chômage et enfonce des millions d’autres dans la précarité et la misère. C’est bien ce système qu’il faudra abattre pour en finir définitivement avec le racisme.
Avant d’y arriver, la lutte contre le racisme continue, non seulement parce qu’il est insupportable mais parce qu’il continue à miner la cohésion, non pas celle illusoire de la République, mais celle des exploités et des opprimés. C’est un poison qui divise et affaiblit dans les batailles contre les patrons licencieurs et le gouvernement à leur botte. Dans les mois à venir, il faut trouver le chemin de l’unité de tous les travailleurs : blancs, noirs, arabes… Ne rien laisser passer : aucune réflexion raciste, aucune « blague ». S’opposer à la diffusion des idées haineuses, redonner confiance aux antiracistes (et nous sommes encore nombreux !), avec comme première grande échéance les célébrations le mois prochain du trentième anniversaire de la grande marche pour l’égalité.
Ross Harrold