Une ZAD contre le béton d’Auchan... À Mont-Saint-Aignan, dans la banlieue de Rouen, 4 hectares de terres agricoles étaient occupés depuis 2 ans et demi par un collectif militant pour empêcher la démolition de la ferme, acquise par Auchan à travers sa filiale immobilière et située sur une zone à urbaniser (rebaptisée « zone à humaniser » par les occupantEs)...
L’occupation et les actions militantes menées sur place ont gagné deux combats : l’occupation jusqu’à expiration du permis de démolir et la requalification des terres en zone naturelle protégée.
De nombreuses initiatives sur place pour faire vivre la lutte
En occupant le lieu dans la durée, le collectif s’est élargi et constitué en association de plus d’un millier d’adhérents, et de nombreux débats et concerts ont fait de cet endroit un lieu de politisation unitaire sur l’agglomération, accueillant jusqu’à 3 000 personnes lors des « festivals de la Tambouille ». C’est la popularité de cette lutte qui lui a permis de durer sans intervention policière malgré les décisions de justice. Certains élus locaux ont apporté leur soutien aux occupantEs.
Une occupation porteuse d’une alternative agricole et sociale
L’occupation, illégale mais légitime, de la ferme ne pouvait pas durer éternellement, et les occupantEs et l’association de protection de la ferme des Bouillons ont monté un projet de rachat avec le soutien de la Confédération paysanne et de l’organisme foncier coopératif Terres de Lien. Pendant ce temps, l’activité agricole sur la ferme s’amplifiait et un maraîcher professionnel y travaillait à temps plein. Lors de la soirée de présentation du projet, l’association, qui jouait cartes sur table, ne pouvait pas savoir que des oreilles attentives préparaient le plagiat de ce projet pour le compte de l’adversaire.
L’État et la FNSEA main dans la main avec Auchan
En juillet, la Confédération paysanne, qui siège à la SAFER (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural), découvre qu’Auchan vend la ferme en catimini à une SCI familiale. Rapidement, Ras l’front révèle les opinions politiques des acquéreurs : proches des catholiques traditionalistes et partisans de la Manif pour tous, dont l’un a participé aux élections européennes sur la liste MPF (Mouvement pour la France, le parti de Philippe De Villiers) d’un des cadres d’Auchan. La combine apparaît alors au grand jour : le projet agricole bidon des Mégard risque de faire revenir les terres dans le giron d’Auchan à travers la revente des parts de la SCI. Le relevé des débats obtenus par des élus régionaux est clair : tout a été orchestré durant l’été pour que la lutte ne gagne pas.
Un gouvernement de combat contre toute victoire sociale et environnementale
Manuel Valls a déclaré au début de l’été vouloir l’évacuation de toutes les ZAD avant la fin de l’année. Le cas de la ferme des Bouillons tient lieu d’avertissement à tous les mouvements analogues sur le territoire : pour Hollande et Valls, mieux vaut la petite cuisine de la FNSEA de la grande distribution et de petits patrons locaux d’ultra-droite que la victoire d’une lutte citoyenne qui, avec les limites des controverses qui l’animent, s’est affrontée à la propriété privée et à un modèle agricole à bout de souffle. Le collectif continue de lutter à l’extérieur de la ferme après une double expulsion, de la ferme puis d’un champ à proximité. La répression policière n’a pas manqué au tableau : garde à vue pour un occupant ayant retardé son expulsion en montant sur le toit, matraquage et gazage d’une manifestation. Tout est fait pour décourager la lutte, mais elle se poursuit sur un autre site naturel protégé de l’agglomération où les débats se sont poursuivis ce week-end. Un chapiteau y sera installé pour que les événements collectifs qui animaient la ferme puissent se poursuivre. Les occupants des Bouillons n’ont pas dit leur dernier mot.
Commission nationale écologie