Michel Tarin, figure de proue du mouvement de résistance contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, est un militant des luttes populaires depuis toujours. Il a fait partie des premiers résistants contre ce projet en 1970, puis s’est engagé aux côtés des paysans du Larzac, avec le mouvement Paysans en lutte qui donnera naissance en 1987 à la Confédération paysanne. Michel est l’un de ceux qui, en avril 2012, a mené contre cet aéroport une grève de la faim de 28 jours.Depuis la grande manifestation du 17 novembre, comment s’organise le mouvement de réoccupation de la ZAD ?Cette manifestation avec ses 40 000 participants a d’abord été une grosse bouffée d’oxygène ! Elle a permis de développer l’information et le soutien. Elle a aussi renforcé l’idée qu’on peut lutter contre des grands projets inutiles et qu’une autre société est possible.Malgré la destruction systématique des cabanes et des lieux de vie et les violences policières dans la semaine qui a suivi cette manifestation, sur le terrain le mouvement de réoccupation ne cesse de s’étendre. Tous les jours arrivent de la nourriture et des matériaux, des soutiens humains et logistiques toujours plus nombreux. Selon toi, qu’est-ce qui a changé dans les rapports de forces depuis ces dernières semaines ?Sur le terrain on a senti une participation beaucoup plus importante de la population locale. Depuis la reconstruction à la « Chat -Teigne », le monde paysan s’est encore plus fortement impliqué : 40 tracteurs enchaînés défendent la ZAD, 25 autres postés « en sentinelle ». De nombreux collectifs se sont constitués dans toute la France, à l’heure actuelle on en est à 118 et ce nombre grossit de jour en jour. Des gens très divers se mobilisent : jeunes et moins jeunes, paysans, urbains, monde du spectacle avec par exemple le groupe Tryo.Politiquement, le rapport de forces a permis que le gouvernement se sente obligé de proposer une commission de médiation. Mais il est clair qu’une discussion n’est possible qu’à trois conditions : le retrait total des forces de répression, aucun commencement de travaux, un dossier complètement remis à plat.L’opinion publique commence à basculer. Comment gagner cette bataille des idées à l’échelle nationale ?Il faut que l’opinion publique s’approprie les motifs de refus de ce projet : son inutilité en termes techniques, et son absurdité dans un monde où l’urgence est d’employer utilement les fonds publics et de préserver les terres agricoles, les zones humides, la biodiversité et les ressources naturelles.Il faut un vrai débat qui mette au grand jour nos arguments, nos propositions. C’est cela qui permettra l’abandon de ce projet.Quelles sont les actions envisagées dans les semaines et les mois qui viennent ? Une étape importante, la réunion de tous les collectifs de France les 15 et 16 décembre : permettre à tous de s’approprier la lutte, de proposer collectivement les actions. Les décisions prises permettront de consolider la construction des lieux de vie sur la ZAD et de préparer les mobilisations à venir. D’ores et déjà des actions importantes sont prévues début 2013, ainsi qu’une très forte mobilisation l’été prochain. Il s’agit aussi de commencer à préparer l’avenir de ces terrains et de réfléchir au type de projet qu’on aimerait y construire.Dans l’immédiat, on craint l’entêtement du pouvoir et donc une contre-offensive policière de grande ampleur dans les jours qui viennent. Mais on s’y prépare, la lutte continue…Propos recueillis par les correspondantEs du NPA 44
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