Depuis le 9 avril, la Zad de Notre-Dame-des-Landes est devenue le terrain privilégié de la violence d’État. Face à cette répression, le mouvement d’opposition à l’aéroport tente de défendre un capital collectif.
Le gouvernement Macron semble être sur tous les fronts. Des chômeurEs aux étudiantEs en passant par les migrantEs, il multiplie les offensives contre toutes les résistances sociales et contre les plus fragiliséEs. Depuis le 9 avril, la Zad de Notre-Dame-des-Landes est devenue le terrain privilégié de sa violence. Droit dans ses bottes, il n’a pas hésité à déployer une armada de policiers. Une répression qui aurait pu à tout moment basculer dans une tragédie. Les médecins qui travaillent sur place avec les « médics » ont décrit, dès le quatrième jour de l’opération d’évacuation, une situation alarmante, avec plus d’une centaine de blesséEs. Aujourd’hui ils seraient environ 270, dont 10 blesséEs graves. Des plaies causées par des tirs de grenades de désencerclement et particulièrement des flash-balls. 11 000 grenades auraient été lancées, 8 000 lacrymogènes et 3 000 explosives... des chiffres qui en disent long sur le niveau de répression.
Hulot : vert kaki
Face à ce déferlement, la résistance n’a pas cessé et des milliers de personnes ont convergé sur place. Les comités venus de toute la France ont manifesté à nouveau leur soutien en multipliant les actions symboliques. C’est ce qui a notamment permis d’arracher une pause dans une situation intenable pour certains habitantEs, obligés de trouver des hébergements solidaires, leurs lieux de vies étant détruits.
C’est bien cette mobilisation massive qui a poussé le gouvernement à rencontrer une délégation de la Zad le 18 avril. Une rencontre qui s’est toutefois transformée en mascarade de négociation présidée par le ministre fossoyeur de l’écologie Nicolas Hulot.
Après les reniements et reculs en tout genre face aux magnats de l’agriculture productiviste dont le plus récent est celui concernant l’emploi du glyphosate, Hulot s’est fait le chantre de l’ordre capitaliste en vert kaki. Il a non seulement salué ce qu’il appelle « la retenue des gendarmes », mais il aussi précisé, si on ne l’avait pas compris, qu’il ne fallait « pas confondre anarchie et écologie ». Sous-entendu : pas touche à la propriété du capital... La préfecture a rejeté en bloc la perspective d’un nouveau Larazc à Notre-Dame-des-Landes, et le gouvernement a maintenu son ultimatum d’évacuation . Une façon de montrer à l’opinion publique à quel point il peut mater tout le monde... jusqu’à quand ?
Défendre un capital collectif
L’urgence était de stopper les destructions, donc de mettre un coup d’arrêt au cycle infernal des affrontements sur la zone. Et puisque l’injonction – brutalement appuyé – de l’État était : « déclarez-vous ! » il fallait y répondre. C’est ainsi que le vendredi 20 avril, une quarantaine de dossiers individuels ont été déposés en préfecture.
Ces dossiers avaient été, pour la plupart, préparés à l'avance. Mais les présenter était déjà céder à l’injonction d’une activité économique « individuelle », telle que la réclame l’État. Alors que toute activité sur la Zad est collective, et dépendante des autres collectifs de la Zad. C’est ce que les projets rendus publics par le mouvement démontrent : « Rusus molla » est une activité de culture de céréales (froment et sarrasin), de meunerie et de fabrication de galettes. Elle associe trois personnes, dont un ingénieur agronome et un artisan crêpier, se rattache aux pôles « activités agricoles », « distribution » et « activité artisanales » de la Zad. Elle dépend en outre de la ferme de Bellevue pour le fournil, de celle de Saint-Jean-du-Tertre pour le moulin... C’est que sur la Zad, le capital est collectif, et non une propriété individuelle. Ce que certains nomment les « communs ». La différence est fondamentale : l’objectif est que chacun vive, le moyen est l’entraide – à l’opposé du profit et de la concurrence de la « start up nation » version Macron. On comprend les réticences des zadistes à céder aux injonctions de l’État capitaliste !
« Ils ont voulu nous enterrer, ils ne savaient pas que nous étions des graines », dit un proverbe mexicain. Nul ne sait si l’État interviendra de nouveau sur la Zad, ni avec quelle ampleur. Mais chacun sait qu’il s’agit réellement d’une zone à défendre, un zone porteuse d’espoirs.
Sandra Cormier et Bertrand Achel