Le projet de réacteur nucléaire Iter est une aberration sur bien des plans : financier, politique, environnemental et social."Les coûts des projets industriels en général et nucléaires en particulier sont toujours sous-évalués pour une meilleure acceptabilité sociale. » Cette remarque d’un spécialiste a rarement été aussi vraie que pour Iter, le projet de réacteur expérimental sur la fusion nucléaire implanté à Cadarache. Les coûts ont déjà triplé, passant de 5,9 milliards à 16 milliards rien que pour la construction, alors que les travaux du bâtiment central n’ont même pas commencé. Qui va payer ? Il s’agit d’un projet international entre sept parties : Chine, Corée du Sud, Inde, Japon, Russie, USA, Union européenne. L’Union européenne – avec la Suisse – doit fournir 45 % du budget. La France supporte 20 % de la contribution européenne. Il faudrait pour sauver le projet multiplier toutes les contributions par trois ! Difficile en ces temps d’austérité. D’autant plus difficile que sur le chemin de la fusion ces États ont deux fers au feu : le projet Iter qui repose sur la fusion magnétique et le projet Hiper qui, lui, utilise le laser. Or cette seconde méthode est beaucoup moins coûteuse et vient de donner des résultats prometteurs. Le 17 juin, les représentants de toutes les parties vont se retrouver en Chine. Les USA ont déjà annoncé leur intention de réduire leur contribution de 40 % en 2011 et les États européens ne se sont toujours pas mis d’accord pour trouver les fonds supplémentaires. La France propose de piocher dans d’autres projets, sans doute au détriment des énergies renouvelables. Iter a échappé au domaine de la recherche scientifique pour devenir, dans les mains du pouvoir politique, un mythe productiviste, celui d’une énergie illimitée à bas prix. Un mythe qui rapporte gros aux patrons des entreprises qui remportent les contrats. La cruelle réalité, c’est qu’Iter consommera énormément d’énergie pour un prix exorbitant. Rattrapé par la crise économique, le projet est d’abord une aberration écologique, typique d’une société qui exploite les travailleurs et détruit l’environnement au seul bénéfice d’une poignée de profiteurs. Arrêtons les dégâts. Dégâts sur l’environnement, avec une autoroute XXL balafrant le sud du Lubéron pour acheminer les matériaux ; une ligne très haute tension (THT) dédiée au fonctionnement du réacteur; la déforestation du site; une captation des eaux de la Durance dans une région souffrant de sécheresse récurrente. Dégâts sociaux, avec une pression foncière énorme mais pas ou peu de création d’emplois, sinon par délocalisation et à quel prix ! Car Iter constitue une enclave dans le droit du travail. Du fait de son statut, la direction d’Iter Organisation veut appliquer uniquement les directives de l’Organisation internationale du travail. Ces directives n’ont rien à voir avec un vrai code du travail ni avec une convention collective. Aujourd’hui, lorsqu’un chercheur salarié d’Iter Organisation a du retard dans ses travaux, la direction le « punit » en lui supprimant ses congés. Demain, les milliers de travailleurs du site pourraient être soumis au même arbitraire. Aux régionales, la liste présentée par le NPA et les Alternatifs s’est clairement prononcée pour l’arrêt du projet. Une tribune libre de Michèle Rivasi dans l’Humanité en arrive à la même conclusion, alors que le PCF s’enferme dans un soutien de moins en moins justifiable. Maintenant, c’est aux victimes de ce projet démesuré de se faire entendre. Le NPA fera tout pour qu’une large mobilisation mette fin à la casse sociale et écologique.Celia Fine et Jean-Louis Marchetti