Pour la première fois depuis l’autorisation du MON 810 en 1998, la Commission européenne vient de donner une autorisation de mise en culture d’une plante génétiquement modifiée. Lundi 8 février, la porte-parole de la Commission européenne affirmait : « Le président Barroso n’a aucune intention d’imposer la culture des OGM ». Mardi 2 mars, la Commission, à peine investie, autorisait la culture de la pomme de terre Amflora, mise au point par la firme allemande BASF. En même temps, elle donnait son feu vert à la commercialisation de plusieurs variétés du maïs MON 863 vendu par Monsanto. Dix-sept OGM sont actuellement en cours d’autorisation. Suprême ironie, l’annonce en a été faite par le commissaire à la Santé et à la Protection des consommateurs… Pour la secrétaire d’État à l’Écologie, Chantal Jouanno, « ce qu’on conteste aujourd’hui, c’est une proposition d’OGM dont ne voit pas ce qu’elle apporte : pourquoi accepter les incertitudes environnementales alors qu’on ne voit pas les bénéfices ? » Les protestations du gouvernement français seraient plus convaincantes s’il ne soutenait pas activement les entreprises françaises engagées dans ce secteur, comme Vilmorin. Les semences OGM se vendent 50 à 100 % plus cher que les autres et BASF espère retirer 30 à 40 millions d’euros par an de la commercialisation d’Amflora. Ces OGM en or font courir à la santé publique des dangers bien réels. La pomme de terre Amflora contient un gène de résistance à la kanamycine et à la néomycine, deux antibiotiques dont l’Organisation mondiale de la santé et l’Agence européenne des médicaments ont reconnu le caractère thérapeutique notable. La directive européenne sur les OGM 2001-18 prévoyait « l’élimination » de tels marqueurs, pour se prémunir contre l’apparition de bactéries résistantes. Mais ni la santé publique, ni le souci de l’environnement, ni ses propres règlements n’arrêtent la Commission. « La Commission européenne n’a pas respecté l’avis des États membres, qui souhaitaient un renforcement de l’expertise », a regretté Chantal Jouanno. Cette expertise est assurée par l’Agence européenne de sécurité des aliments, composée d’une vingtaine de scientifiques qui évaluent les demandes présentées par les industriels. Mais un certain nombre de ces experts sont aussi consultants pour des entreprises liées à des producteurs d’OGM. L’Observatoire européen des multinationales a révélé que la coordinatrice du groupe OGM de l’agence, Suzy Renckens, avait été embauchée en 2008 par Syngenta, grand producteur d’OGM. Que la Commission européenne soit au service des industriels n’est pas une surprise. Mais qu’elle puisse relancer la culture et la commercialisation des OGM, contre le sentiment d’une large majorité de citoyens européens et sans tenir compte d’un vœu unanime des États, amène à s’interroger sur les véritables pouvoirs de cette institution. Jean-Louis Marchetti