Publié le Mercredi 14 mai 2025 à 17h15.

Croissance en baisse : austérité ou planification écosocialiste ?

Dans sa note de conjoncture de fin avril l’Insee confirmait ses prévisions pessimistes de croissance pour la France. La Banque de France a revu à la baisse les siennes, comme toutes les institutions internationales. La « suspension » de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine pour 90 jours à partir du 14 mai peut être vue comme une réaction à cette inquiétude au sein des bourgeoisies.

La production en France, mesurée par l’iconique indicateur du PIB (produit intérieur brut), devrait augmenter de 0,7 % sur l’année 2025. Elle n’a augmenté que de 0,1 % depuis janvier. Plans de licenciements, baisse des dépenses publiques et incertitudes contribuent à réduire la consommation et l’investissement dans la production.

La situation est similaire à l’échelle internationale. Le FMI (Fond monétaire international) écrivait fin avril : « L’économie entre dans une nouvelle ère ». Tous les pays ne sont pas touchés de la même manière et les spéculations les plus folles vont bon train quant aux possibilités de croissance qu’offrirait la « révolution de l’intelligence artificielle ». Mais, pour l’instant, principalement du fait de l’incertitude générée par la politique des États-Unis, le risque d’une spirale récessive n’est toujours pas exclu.

La faible croissance est-elle vraiment leur problème ?

En un sens oui, car la croissance donne aux capitalistes des marges de manœuvre : quand le gâteau de la production grossit, tant que la part du capital progresse et tant qu’elle augmente plus vite que celle des salaires, ça va. On voit bien le problème dès que la taille du gâteau n’augmente plus ou presque : le conflit pour la ­répartition devient plus aigu. 

Mais les capitalistes ne manquent pas de « solutions » en cas de faible croissance. Le profit reste possible ― plus faible certes, et plus difficile. Pour préserver la part de la production qui permet l’accumulation du capital, il faut alors attaquer violemment le salariat (blocage des salaires, démantèlement des « conquis sociaux » financés par la partie socialisée du salaire, les cotisations, et réduction de la prise en charge des besoins sociaux par l’impôt). Autrement dit la poursuite de l’accumulation passe par une hausse violente de l’exploitation. Seconde option : la perfusion. En assurant un transfert massif de ressources vers le capital par des subventions (entre 175 et 200 milliards par an), l’État maintient les conditions de l’accumulation.

Et si on en sortait ?

En fait, le discours sur la croissance, comme celui sur la dette, fonctionne comme un mythe mobilisateur. Il permet à la bourgeoisie de faire accepter le statu quo et de justifier des politiques austéritaires qui nous volent une part toujours plus grande de la richesse que nous produisons. « Nous allons soutenir les entreprises », déclarait le ministre de l’Économie après la publication des chiffres de l’Insee. Il ajoutait : « Ça va être un combat ! » ― de nous faire accepter une restructuration violente et anarchique de l’économie à base de plans de licenciements et de coupes dans les dépenses publiques, au profit du capital.

Le contexte est propice à avancer un tout autre type de re­structuration, selon l’objectif de satisfaction des besoins sociaux qui prenne en compte les limites écologiques permettant le renouvellement de l’écosystème que nous partageons avec le reste du vivant. Décroissance, reconversion des secteurs nuisibles et polluants, développement des secteurs utiles socialement de manière concertée sous contrôle des producteurs et productrices, baisse du temps de travail, extension de la sphère de la gratuité et de la prise en charge par la société de certaines productions (santé, éducation, transport, logement, alimentation, petite enfance), reconversion de l’agriculture (baisse des intrants, réinjection d’énergie humaine), etc. Nous avons sous la main les possibilités d’une vie meilleure. Nul besoin de croissance pour ça. Et même mieux : tout ça pourrait bien ne pas créer de « croissance » du PIB.

Mais cette planification écosocialiste nécessite de remettre en cause la propriété privée des moyens de production et la socialisation de pans entiers de l’appareil productif. On voit bien là notre problème : le besoin de reprendre la rue pour élever le niveau de rapport de force. Et si nos vies valaient plus que leurs profits ?

William Daunora