La droite et les patrons n’ont eu de cesse ces derniers temps de stigmatiser les couches populaires coupables à leurs yeux de vivre au-dessus de leurs moyens, de frauder, voire de se complaire dans le « faux travail ». La réalité montre que ces donneurs de leçons sont bien mal placés pour tenir des discours de compétence et d’exemplarité. Natixis, la banque d’affaires du Groupe Banques Populaires Caisses d’Épargne, en donne un exemple édifiant.
Interpellé dernièrement lors d’une réunion par le représentant de Sud BPCE sur les pertes accumulées par Natixis depuis sa création en 2006, Laurent Mignon, le directeur général de cette banque, reconnaissait un montant de 8 milliards d’euros de pertes cumulées. Ce montant, pour considérable qu’il soit, est probablement en dessous de la réalité. De plus, il ne résume pas toutes les pertes du Groupe BPCE (souvenons-nous de « l’incident boursier » qui lui a coûté 750 millions d’euros en 2008 ou du fumeux placement « Sémillon », découvert en 2009, qui lui a fait perdre 450 millions d’euros). Mais, même si l’on retient le chiffre du directeur général de Natixis : 8 milliards d’euros de pertes représentent 400 000 années de salaire brut d’un employé de Caisse d’Épargne en début de carrière.
Un tel niveau de pertes aurait dû entraîner la mise en place d’une commission d’enquête pour déterminer les causes à l’origine de cette situation, identifier ceux qui en ont profité et sanctionner les responsables. Dès décembre 2007, Sud provoquait la tenue d’un comité de groupe pour évoquer la situation de Natixis et ses conséquences sur le groupe. Faute d’obtenir les informations réclamées, Sud a saisi ensuite les responsables de la Commission bancaire que ses représentants ont rencontrés le 9 avril 2008. Un dossier complet étayant des craintes relatives aux risques éthique, réglementaire, juridique et financier était remis aux membres de la Commission à cette occasion. Malheureusement, cette interpellation est restée lettre morte. On mesure avec le recul le résultat d’une telle passivité coupable. Aujourd’hui, Sud réclame la mise en place d’une commission d’enquête indépendante et objective pour faire toute la lumière sur les pertes de Natixis. À titre d’exemple, les surcoûts liés aux prêts toxiques auxquels sont confrontés actuellement les acteurs publics locaux sont estimés à 730 millions d’euros par an, un montant bien inférieur aux 8 milliards d’euros de pertes de Natixis. Or, cette crise de la dette publique locale a justifié la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire au sein de l’Assemblée nationale.
L’omerta autour de ce que l’on peut appeler « le scandale Natixis » est d’autant plus inadmissible que les patrons de BPCE et des caisses régionales, après s’être consenti des parts variables démesurées, ont eu l’indécence d’octroyer aux salariés en 2012 des augmentations dérisoires représentant moins de 1 euro brut par jour.
Dans ce contexte, la revendication de Sud BPCE de procéder à la socialisation de l’intégralité du secteur de la banque pour créer un véritable service public bancaire est plus que jamais d’actualité. La mise en place d’un système socialisé de l’épargne et du crédit nécessiterait deux préalables :• « un assainissement transparent, efficace et radical du secteur financier ainsi que de celui des responsables publics qui ont trahi la confiance de la population »1 • un audit citoyen de la dette publique afin d’identifier la partie illégitime et illégale qui ne doit pas être remboursée.
La période qui vient ne fera que confirmer la nécessité, la pertinence et la légitimité de ces revendications.
Patrick Saurin Sud BPCE1. Nous reprenons ici une formule de James K. Galbraith provenant de sa déclaration du 4 mai 2010 devant la Sous-Commission judiciaire sur le crime et la drogue du Sénat américain.