Entretien. Au cœur de la journée de grève et de manifestations, il y a la lutte contre la loi Macron. Et au cœur de cette lutte, il y a le secteur du commerce, mobilisé dans un cadre intersyndical depuis plusieurs mois. À la veille du 9 avril, nous avons rencontré Karl Ghazi de la CGT Commerce et services et Laurent Degousée de SUD Commerces et services pour faire le point sur la préparation de cette journée et ses suites.
Comment s’est passée la préparation de cette journée du 9 avril dans ce secteur particulièrement mobilisé ?
K.G. : Le CLIC-P1 tente d’élargir la mobilisation dans le commerce à l’occasion de la manifestation du 9 avril, en diffusant un tract spécifique aux salariéEs concernés par les futures « zones touristiques internationales » (ZTI) donc par le travail de nuit (entre 21 heures et minuit). Cet aspect-là du projet Macron a été relativement négligé par les médias et peu de salariéEs réalisent qu’ils sont immédiatement concernés.C’est sur ce terrain que nous voulons agir, le soudain ralliement des fédérations à l’action intersyndicale ne devant pas avoir beaucoup d’impact, vu les faibles capacités de mobilisation de celles-ci.
L.D. : La nouveauté, c’est l’appel interfédéral CGT-FO-SUD pour cette journée et le travail respectif mené par ces organisations qui vont permettre de mobiliser en dehors de Paris, là où le CLIC-P fait déjà le boulot avec le résultat qu’on sait. Il y a aussi des appels d’entreprises comme à la Fnac avec la CGT, FO et SUD où le patron joue la provocation en demandant à pouvoir ouvrir tout son parc de magasins chaque dimanche…L’accueil des salariéEs dans les boîtes, les futures ZTI délimitées par Macron et les gares, promises aussi à l’ouverture, est excellent, et laisse présager un haut niveau de participation.
Quelles suites envisagées pour la mobilisation, dans votre secteur et plus globalement ?
K.G. : Le nombre de manifestantEs dans la rue le 9 avril sera déterminant pour la suite… Les délais prévus pour l’examen du projet de loi Macron (un mois devant le Sénat, puis passage devant une commission mixte paritaire puis retour très probable à l’Assemblée) nous laissent largement le temps de construire un « après 9 avril ».Cependant, la mobilisation dans le commerce n’augmentera que si la mobilisation interprofessionnelle prend une dimension très large : malgré de très nombreuses grèves victorieuses conduites par la CGT Commerce sur Paris ces derniers mois (hôtels Hyatt, Royal Monceau, tour Eiffel, etc.), nous avons atteint en novembre et décembre un palier. Pour le dépasser, il faudra un effet d’entraînement de l’ensemble des secteurs professionnels pour combattre la politique d’austérité et plus particulièrement la loi Macron.
L.D. : Cette journée tombe à pic car, à l’occasion des NAO, les salariéEs se mobilisent peu ou prou chez Carrefour, la Fnac, Sephora, etc., mais aussi pour la défense de l’emploi aux Galeries Lafayette, qui supprime 500 postes en fermant des magasins et des services tout en promettant des embauches suite à l’ouverture dominicale, ou dans le groupe Vivarte où 1 900 emplois sur 10 000 sont menacés.Il faut s’appuyer sur cette conflictualité pour continuer à exiger le retrait de la loi Macron qui ne sera pas adoptée avant juin prochain, ce qui implique de nouvelles initiatives de la part du CLIC-P comme des fédérations d’ici cette date.Après le 9 avril, l’intersyndicale nationale doit appeler à des mobilisations qui ne se limitent pas à celle du 1er Mai… Pourquoi pas une manifestation véritablement nationale un week-end sur Paris ?
Propos recueillis par Manu Bichindaritz
- 1. Fondé en 2010, le CLIC-P, Comité de liaison intersyndical du commerce de Paris, rassemble les organisations syndicales parisiennes de la CGT, de la CFDT, de SUD et de l’UNSA.