Entretien. A l’entrée du site de Sidel, le feu de palettes éclaire et réchauffe le piquet de grève filtrant qui bloque la sortie des machines depuis le 14 décembre. Alors que le site d’Octeville qui emploie plus de 800 salariéEs et des centaines de sous-traitants est largement bénéficiaire, que la holding Tetra touche des millions d’euros de CICE et de CIR, c’est l’annonce d’un plan de 209 licenciements et 80 mobilités forcées qui a mis le feu aux poudres. Nous avons rencontré Werner Le Doare, délégué CHSCT pour le syndicat CGT du site qui représente 59 % des voix aux élections professionnelles.
Peux-tu nous donner des éléments sur la production et l’histoire du site du Havre ?
Sidel, fondée au Havre dans les années 1950, a inventé dans les années 1980 le procédé qui permet de souffler des bouteilles en plastiques à partir de préformes en PET. La boîte, propriété de cadres de l’entreprise qui l’ont développée sur une base paternaliste, s’est peu à peu diversifiée pour assurer la production de l’ensemble de la chaîne, de la bouteille à la mise en palette. Ses machines assurent 50 % de la production mondiale de bouteilles d’eau. Elle a été vendue au début des années 2000 au géant Tetra. Le management a alors progressivement changé, le développement a été stoppé, et un plan de licenciements a été imposé en 2004.
La direction a annoncé en septembre un nouveau plan social…
Ça avait déjà fuité depuis juillet, ce qui nous a permis de nous organiser. Autour de Reynald, secrétaire du syndicat CGT et co-secrétaire de l’UL, nous avons mis en œuvre une stratégie dans la durée en associant l’intersyndicale (CGC, CFDT et UNSA). Malgré les lois Macron, nous avons réussi à imposer dans l’accord de méthode une commission économique présidée par l’intersyndicale. Cela nous a permis de démontrer l’incohérence des choix économiques de la direction et de convaincre les salariéEs de la justesse du combat pour obtenir le zéro licenciement. Les décisions ont été prises dès le début en AG réunissant plus de 500 salariéEs. Nous avons également mis ce temps à profit pour sensibiliser la population de l’agglo (boycott dans les supermarchés, manifestation de ville un samedi…). Des intimidations ont été tentées par la direction (plainte contre X en raison d'une bousculade), mais les menaces de convocation par la police n’ont pas été mises à exécution, le syndicat CGT du GPMH ayant immédiatement annoncé que toute mise en cause d’un salariéE de Sidel entraînerait le blocage immédiat du port.
Alors que l’ouverture des négociations sur le livre I ne démarre que le 8 janvier, vous avez changé de braquet lundi 14 décembre. Quelle est la stratégie ?
Après trois mois de négos, nous ne sommes parvenus à gagner que sur 24 suppressions. Surtout, il apparaît clairement que la stratégie industrielle désastreuse de la direction menace à terme la pérennité du site, sans parler des sous-traitants (plus de 2 600 familles). Tissman, le représentant de la direction qui négociait jusqu’à maintenant a été démis et un nouveau dirigeant arrive aujourd’hui lundi 21. Nous devions montrer clairement que son arrivée devait s’accompagner d’une toute autre orientation.Depuis lundi 14, nous sommes en grève tournante reconductible avec piquet de grève permanent à l’entrée du site. L’ambiance est bonne grâce à la participation de très nombreux salariés par cars de 3 heures la nuit et du soutien des OS (UL et UD CGT notamment) et de la population. Nous reconduisons chaque jour la grève en AG. Une dizaine de machines sont bloquées sur le site. Alors que le carnet de commandes est plein, la production est maintenant très ralentie. Grâce à la grève tournante, nous ne faisons que 2 jours et 1/2 de grève au maximum par semaine. Nous maintenons notre double revendication : sur la stratégie industrielle et sur le zéro licenciement.Dernière minute : l’intersyndicale est ressortie de l’audience avec le nouvel envoyé de la direction centrale avec deux éléments : un durcissement de la négociation et des sous-entendus sur une réduction significative du nombre de suppressions d’emploi. L’AG a voté la reconduction de la grève et du blocage du site.
Propos recueillis par nos correspondantEs