Publié le Samedi 6 juillet 2024 à 09h00.

Les Jeux olympiques du sexisme et de la transphobie

Longtemps exclues du sport à cause des discriminations et des violences, on peut voir aujourd’hui quelques femmes trans participer à des compétitions de haut niveau. Cette nouvelle visibilité est devenue un sujet de panique morale relayée par les médias ainsi que les politiciens à travers la planète.

Le fond de cette panique est sommaire : des hommes malhonnêtes vont se dire femmes – voire transitionner – afin de participer aux compétitions sportives féminines et voler toutes les médailles et récompenses, en profitant de leurs avantages biologiques supposés. À l’appui de leurs fantasmes, les activistes anti-trans vont convoquer quelques cas de compétitions locales remportées par une femme trans. Lia Thomas, nageuse américaine, est ainsi pointée comme exemple car elle a remporté un championnat universitaire féminin sur 500 mètres (tout en finissant 5e sur 200 mètres et dernière sur 100 mètres1 !)

 

Une politique qui questionne la place des personnes trans dans la société

La réalité est tout autre. Les femmes trans participaient depuis 2004 aux JO à condition d’être sous hormonothérapie depuis deux ans et d’avoir subi une chirurgie de réassignation sexuelle. En 2015, l’obligation de chirurgie a été supprimée et la durée de la thérapie hormonale a été réduite à un an. En contrepartie, le CIO a instauré des tests obligatoires de testostérone pour les femmes trans ou les personnes hyperandrogènes (qui présentent un fort taux d’hormones masculines), avec une limite fixée à 10 nanomoles par litre de sang.

Aucune femme trans n’a remporté une médaille olympique depuis 2004, ce qui n’a pas empêché les paniques morales de s’intensifier. L’enjeu politique est de questionner la place des personnes trans dans la société en commençant par questionner leur place dans le sport. 

Le faux récit autour des « avantages biologiques » 

Face à cette logique, les fédérations sportives internationales, dans leur écrasante majorité, ont commencé à lâcher les athlètes trans. Ainsi, la fédération internationale de natation interdit la participation des femmes trans qui ont connu une « puberté masculine au-delà du stade 2 de Tanner2 ou avant l’âge de 12 ans »3. L’Union cycliste internationale et l’IAAF (Athlétisme) ont abaissé le seuil de testostérone à 5 nm/l (et 2,5 nm/l pour World Athletics depuis 2023), seuil tout aussi arbitraire. Tout cela au nom de la lutte contre les prétendus « avantages biologiques » des femmes trans.

En matière de biologie, il est bon de rappeler qu’au plus haut niveau les meilleurs athlètes ont des avantages biologiques sur leurs suivants. Michael Phelps, médaillé 28 fois aux JO, possédait le corps parfait pour la natation4, et il n’a jamais été question de lui interdire la compétition ou de lui imposer un traitement. Tout comme il n’a jamais été question de réduire les taux de testostérone des athlètes masculins.

 

Le contrôle du corps des femmes comme enjeu de lutte 

Ce traitement est réservé aux femmes, dont le corps a toujours été policé. Il est ainsi attendu qu’elles obéissent à des normes physiques très strictes, inspirées de critères binaires, blancs et occidentaux5. Ainsi, de nombreuses athlètes africaines, intersexes ou non, ont été exclues des compétitions car leurs taux de testostérone (pourtant naturels) étaient considérés comme trop élevés. La figure la plus connue est Caster Semenya, double championne olympique du 800 mètres.

En ce qui concerne les femmes trans, les données montrent qu’elles ne bénéficient pas d’avantages biologiques sur les autres femmes. Une méta-analyse réalisée par le Centre canadien pour l’éthique dans le sport6 basée sur la littérature scientifique publiée entre 2011 et 2021 prouve que les traitements hormonaux amènent les sportives trans à un niveau physique proche voire inférieur à celui des autres sportives. Une étude de 2024, commandée par le Comité international olympique, montre que les femmes trans seraient même désavantagées physiquement7.

Quant aux hommes trans, ils sont invisibilisés dans ces débats aussi. La femme trans est l’épouvantail, là où l’homme trans est une victime. C’est la femme trans qui voudrait s’imposer de force, là où l’homme trans ne revendiquerait rien, et à fortiori pas de participer aux compétitions. Et pourtant, nombre d’entre eux sont des athlètes reconnus, comme Chris Mosier, triathlète américain8

Mobilisons-nous contre la transphobie, et contre tout contrôle du corps des femmes et des minoritées de genre !

  • 1. NCAA Division I Womens Championship.
  • 2. Premier stade de la puberté « Échelle de maturité de Tanner », 5 mai 2015, RTS. 
  • 3. Combiné aux lois contre les retardateurs de puberté, il s’agit bien d’exclure les personnes trans du sport.
  • 4. « L’exceptionnelle morpho-anatomie de Michael Phelps », 14 septembre 2012, sportpostureconseil.
  • 5. Ce qui a pu amener à des tests de féminité.
  • 6. « Athlètes transgenres féminines et sport d’élite : examen scientifique », Centre canadien pour l’éthique dans le sport. 
  • 7. « Il y a des différences sportives entre femmes trans et femmes cis, voici lesquelles », Lola Buscemi, 25 avril 2024, Slate.
  • 8. « Are There No Athletes Assigned Female at Birth Who Transitioned and Competed in Men's Sports? », Nur Ibrahim, 31 octobre 2022, Snopes.