Alors que l’affaire Baupin était de nouveau devant les tribunaux début février1, le site de Libération publiait un « checknews » sur la « ligue du LOL », ce groupe de jeunes journalistes parisiens qui s’est illustré dans le harcèlement sexiste, révélant une nouvelle affaire de violences sexistes remontant à dix années, cette fois-ci sur le web.
Qu’elles aient lieu dans des salons, des salles de réunion ou sur le web, les violences sexistes ont le même objectif : maintenir la domination masculine.
Partout et toujours les mêmes mécanismes
Dans l’affaire de la ligue du LOL on retrouve, sous de nouvelles formes, des phénomènes hyper classiques : accaparement des outils de communication (en l’occurrence Twitter), décrédibilisation des femmes en premier lieu, des féministes en particulier, volonté de les exclure des cercles de pouvoir… Ces hommes blancs hétéros profitent de leur position sociale dominante face à des jeunes, précaires, généralement des femmes, et par là-même maintiennent et renforcent leur position. Ils utilisent et développent par ce biais, leur réseau, leur capital social, élément d’autant plus fondamental dans un milieu où la cooptation est forte. Les victimes se trouvent isolées, dépendantes de leurs agresseurs qui jouissent d’une totale impunité. On pourrait sans difficulté faire le parallèle avec le droit de cuissage exercé dans les usines au début du siècle. Sauf que cela prend de nouvelles formes en ce début de 21e siècle : on est dans le milieu des rédactions de la presse « de gauche », sur le web ce qui renforce l’impunité par l’anonymat de certains des harceleurs, il n’y a pas de lieu de repli pour les victimes car les réseaux sociaux sont partout, les messages se diffusent très vite...
Mais le contexte a changé
Les violences sexistes et le harcèlement en particulier ont des conséquences terribles, qu’elles soient physiques et/ou psychologiques. La confiance en soi est mise à mal, l’isolement, le retrait des « lieux » de harcèlement ont un impact sur la socialisation et la carrière des victimes.
Mais, depuis 2009, beaucoup de choses ont changé : l’accès aux outils de communication s’est démocratisé et les femmes en ont forcé la porte. La mise au grand jour de nombreuses affaires de violences sexistes (DSK, Weinstein, Baupin…) ont conduit à une libération de la parole qui a explosé avec les mouvements #metoo ou #balancetonporc et leurs nombreuses déclinaisons dans tous les milieux. En quelques années, la tolérance envers les violences sexistes a véritablement chuté : ce qui pouvait apparaître comme « normal » il y a dix ans est devenu inacceptable aujourd’hui.
Le fait que la parole des femmes soit enfin audible a aussi permis de rompre l’isolement des victimes et participe à la construction du rapport de forces pour lutter contre toutes les violences. La loi sur le cyber harcèlement et ses modifications récentes (2018) sont la marque de ces évolutions comme les réactions des rédactions concernées : mises à pied, licenciements, démissions…
Sur le net comme dans le reste de la société, la lutte contre les violences sexistes nécessite la construction d’un rapport de forces pour lequel la solidarité entre femmes est un élément essentiel. Trouver des cadres pour discuter entre femmes, nommer et dénoncer les violences est un passage nécessaire. C’est ce qui est en cours de manière plus ou moins avancée à travers le monde. La prochaine étape est la structuration d’un mouvement féministe large et radical, faisant le lien avec les questions sociales et dans lequel les féministes lutte de classe ont toute leur place.
Elsa Collonges