Après les annonces d’Emmanuel Macron du 25 novembre et celles de Marlène Schiappa le 8 mars à propos du cyberharcèlement, la loi de la « grande cause » du quinquennat a été présentée en Conseil des ministres mercredi 21 mars et devrait être votée en procédure accélérée dès le moi de mai.
C’est donc une énième loi sur les violences faites aux femmes qui sera votée bientôt en France, alors que le monde entier est secoué par une nouvelle vague féministe marquée par la grève des femmes le 8 mars dernier. Cette loi ne permettra probablement pas de faire oublier les affaires de Darmanin, mais tente, par effet d’annonce, de redonner une image positive d’un gouvernement ébranlé par le mouvement à la SNCF et dans la fonction publique.
La loi contient principalement quatre volets : l’allongement de la prescription dans le cas des violences commises sur les mineurEs, la création d’une présomption de non-consentement en fonction de l’âge, la création de l’outrage sexiste passible d’amende (harcèlement de rue) et enfin la lutte contre le cyberharcèlement.
Prescription, présomption de non-consentement
Sur la question des mineurEs, après avis du conseil d’État, la loi ne fixera finalement pas d’âge en dessous duquel il y a présomption de viol, contrairement à ce qui avait été annoncé. Il s’agit d’un ajout à la loi actuelle sur le viol renforçant la partie concernant la « surprise » ou la « contrainte » en dessous de 15 ans. Donc rien ne changera, la présomption ne sera pas inversée et il faudra toujours démontrer qu’il n’y a pas de consentement.
L’allongement de la prescription était une demande de nombreuses associations. Il est tout de même étonnant qu’il ne concerne que les cas de violences sur mineurEs. Cependant, il faut bien comprendre qu’allonger le délai de prescription ne modifiera pas les conditions d’accès à la justice, ni la question de l’absence de preuves, ne modifiera pas non plus l’accueil des victimes par les policiers et ne changera pas le parcours de la combattante pour arriver à ce qu’une plainte soit entendue. De ce côté-là, il n’y a rien.
Harcèlement de rue et outrage sexiste
Le traitement du harcèlement de rue prend quant à lui la forme d’une amende pour outrage sexiste. Les annonces à ce sujet avaient fait réagir, dès le mois d’octobre, nombre d’organisations féministes, contre l’instrumentalisation du féminisme à des fins de répression et de racisme. Seul le flagrant délit permet de porter plainte : la mesure implique donc de renforcer la présence policière. Sauf que les femmes, elles aussi, ont peur des « forces de l’ordre », ont peur de porter plainte… Nous n’oublions pas que dans la police aussi, on viole et on tue. Comment celle-ci pourrait être une réponse au problème des violences ?
Et les violences au travail alors ?
Enfin, la loi ne contient rien sur la question des violences au travail, alors même que l’affaire Weinstein avait mis en lumière cette question, que l’on sait qu’un quart des agressions sexuelles se passe dans le cadre du travail, et que 80% des femmes estiment vivre du sexisme dans le cadre du travail. Mais quoi d’étonnant puisque les ordonnances Macron vont, par ailleurs, aggraver la situation des femmes dans les entreprises et que la destruction continue des services publics et du statut de fonctionnaire amplifiera le phénomène.
Ironie du sort, le jour même de la présentation de cette nouvelle loi, les avocatEs protestaient contre la nouvelle loi de programmation sur la justice, qui dégradera la prise en charge des violences faites aux femmes, en sortant par exemple le viol des cours d’assises, au profit de « tribunaux criminels »…
Mimosa Effe