Publié le Mercredi 2 février 2022 à 07h46.

Violences faites aux femmes : Darmanin est né avant la honte

Le 25 janvier, Darmanin déclarait sur France Inter : « Aujourd’hui, les femmes qui sont psychologiquement ou physiquement atteintes par leur compagnon déposent plainte systématiquement, il n’y a plus de mains courantes, systématiquement il y a désormais des gardes à vue, systématiquement il y a des poursuites judiciaires ». Un flot de mensonges que les associations féministes ont dénoncé.

Il faut dire qu’il s’agissait d’expliquer pourquoi, alors que la lutte contre les violences faites aux femmes était la « grande cause du quinquennat » Macron, les plaintes pour viols et les violences intrafamiliales étaient en forte hausse pour la quatrième année consécutive. Pour le ministère de l’Intérieur, cela repose sur trois facteurs : la hausse des plaintes concernant des faits anciens, la libération de la parole et « la prise en considération de ce sujet par les forces de l’ordre ».

Il ment comme il respire…

Et s’il est en partie vrai que l’augmentation du nombre de plaintes est une avancée du mouvement féministe et de #MeToo, qui a permis à de nombreuses femmes de parler des violences qu’elles avaient subies et de demander à être reconnues comme victimes, on ne peut pas aujourd’hui décemment déclarer que toutes les femmes victimes de violences portent plainte, et encore moins que toutes les plaintes sont prises en compte et donnent lieu à des poursuites. Ainsi, moins de la moitié des femmes victimes de violences conjugales portent plainte. Concernant les viols le constat est tout aussi alarmant : seules 10 % de femmes victimes portent plainte.

Quant à affirmer que les plaintes sont enregistrées systématiquement, il s’agit d’une pure affabulation. Pour ce qui est des violences sexuelles (viol, agression sexuelle, harcèlement sexuel), les plaintes donnent lieu à des classements sans suite dans près de 70 % des cas. Un chiffre cohérent avec celui donné par le Haut conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes en novembre 2020 concernant les violences conjugales, qui affirmait que seulement 18 % des mains courantes donnaient lieu à des investigations, et 80 % des plaintes étaient classées sans suite. Au-delà du mensonge, il s’agit donc aussi d’un manque de respect pour toutes les femmes victimes de violences et les associations féministes, qui dénoncent régulièrement l’incompétence, le mépris et la violence des policiers chargés d’enregistrer leurs plaintes, comme récemment avec le site DoublePeine.

… pour planquer un bilan désastreux

Car c’est bien de cela dont il s’agit, lorsque Darmanin affirme qu’il y a désormais « systématiquement des poursuites judiciaires » on a un peu envie de lui dire que si cela était le cas, il ne serait pas là pour en discuter. Car il omet évidement de rappeler que lui-même, accusé de viol, n’a pas fait de garde à vue et n’a pas été mis en examen.

Cela lui permet de passer sous silence l’incurie en matière de politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes, on se rappellera les doubles files d’attente dans les commissariats et les grands effets d’annonce de nouvelles lois comme la saisie des armes des conjoints violents. Quelques jours après ses déclarations, un policier assassine sa conjointe puis s’enfuit, toujours équipé de son arme de service. Il était pourtant déjà connu pour des faits de violences sur conjointe.

Le rapport Belloubet, sorti en 2019, a montré que, dans 41 % des cas d’homicides conjugaux, la victime avait déjà signalé à la police ou à la gendarmerie les faits de violences. Dans 80 % des cas, leurs plaintes avaient été classées sans suite.

Il est temps d’agir réellement contre les violences faites aux femmes et il n’y a pas mystère : cela passe par la mobilisation féministe, par la mise en œuvre de moyens humains et financiers pour avancer sur la formation, la prévention et la protection des victimes et par la lutte contrE l’impunité des agresseurs. On propose de commencer par Darmanin et par l’inéligibilité des personnes mises en cause pour viol tant qu’à faire.