Une « Grande coalition » entre sociaux-démocrates et conservateurs pro-européens : c’est l’issue la plus probable aux élections législatives allemandes, qui se sont déroulées le dimanche 22 septembre.Ce sont les conservateurs d’Angela Merkel, les unions chrétienne-démocrate et chrétienne-sociale (CDU-CSU, 41,5 % aux législatives), qui dictent le tempo des négociations politiques. Au lendemain du scrutin, Merkel a appelé les dirigeants sociaux-démocrates, mais pas ceux des Verts. Indiquant la direction dans laquelle elle préfère négocier.
Une droite en recherche d’alliésUne alliance entre la droite chrétienne-démocrate et les Verts n’est toutefois pas une chose exclue, et la CSU – la branche bavaroise de la CDU, plus droitière – vient d’abandonner ses réserves de principes contre des pourparlers dits « noirs-verts ». L’alliance entre conservateurs et Verts avait été expérimentée à Hambourg entre 2008 et 2010, mais aussi de 2009 à 2012 (en incluant le parti libéral FDP) dans la Sarre. Cependant, ces alliances n’ont pas atteint la fin de la mandature, et ont éclaté en raison de contradictions internes. Une alliance entre droite et Verts est un objet de discussion depuis 1987, à la fois pour les « modernisateurs » dans le camp de la droite et pour l’aile la plus droitière des écologistes allemands. Mais elle reste encore un serpent de mer.Aujourd’hui, elle aurait néanmoins une base matérielle plus solide qu’il y a 10 ou 20 ans : le capitalisme allemand a su entrer dans un nouveau cycle de croissance ces dernières années, entre autres en misant sur la transition vers de nouvelles sources énergétiques. Le capitalisme allemand a créé 1,9 million d’emplois depuis 2005, mais souvent des emplois précaires et/ou mal rémunérés : il n’existe toujours pas de salaire minimum légal. Une des raisons de ce cycle de croissance réside aussi dans le train de « réformes » effectué principalement sous le chancelier social-démocrate Gerhard Schröder de 1998 à 2005, pour démanteler une large partie des droits des chômeurs et faciliter le recours au travail précaire. Aujourd’hui, le SPD remonte légèrement à 25,7 % (contre 23 % en 2009), mais n’a aucune dynamique. Son passé gouvernemental, mais aussi la personnalité de son candidat au poste de chef de gouvernement – Peer Steinbrück, un technocrate arrogant de la finance – l’ont bien empêché de susciter le moindre espoir.
Quelle opposition ?Les deux principaux partis situés (relativement) à sa gauche, les Verts et « Die Linke », ont également baissé d’environ 3 points chacun, obtenant respectivement 8,4 % et 8,6 %. Ils avaient profité en 2009 de la « Grande coalition », constellation politique qui favorise toujours les partis de taille moyenne formant l’opposition parlementaire. « Die Linke » ne s’est pas révélée un facteur de mobilisation d’une opposition sociale, mais est plutôt restée cantonnée à son travail parlementaire et à ses divisions internes. Le parti reste très écartelé entre l’Ouest de l’Allemagne – où il obtient environ 5 % des voix, et ressemble à ce que représente le Front de gauche en France – et l’Est, où il dépasse encore les 20 %. Mais dans les États-régions situés plus à l’Est, où le parti a parfois gouverné (et gouverne encore dans le Brandebourg), c’est nettement moins un parti de gauche et/ou de classe, plus un parti régionaliste défendant l’Est contre l’arrogance de l’Ouest, vainqueur de la réunification des années 1990.Les Verts ont sans doute payé leur absence de véritable stratégie claire, et l’excès de confiance dont ils avaient fait preuve à partir de 2011, quand l’« effet Fukushima » leur a fait dépasser le seuil des 20 % dans les sondages. Ils ont vu trop grand… Par ailleurs, alors que le parti est devenu largement embourgeoisé et centriste, un débat programmatique sur l’augmentation de certains impôts (revendication destinée « aux riches » mais dont l’impact avait été mal calculé) a été utilisé contre lui. Ses adversaires venant dire qu’il était finalement gauchiste et anti-riches, alors que sa base électorale gagne en moyenne plutôt bien sa vie.Reste donc à construire une alternative politique à la « Grande coalition » qui s’annonce et qui verra conservateurs et sociaux-démocrates tenter d’imposer de nouveaux reculs...
Bertold du Ryon