Après 20 ans de gouvernement néolibéral de centre-gauche (social-démocrate et démocrates-chrétiens), la droite remporte les élections.Le multimillionnaire chilien Sebastian Piñera a savouré sa victoire aux élections présidentielles, le 17 janvier, devant des milliers de sympathisants. Il est élu président de la République au second tour, avec 51,6 % des voix, à la tête d’une coalition qui regroupe la droite libérale (Rénovation nationale) et les secteurs réactionnaires (Union démocratique indépendante) qui ont soutenu directement la dictature militaire de Pinochet (1973-1989).
Face à lui, l’ancien président démocrate-chrétien Eduardo Frei obtient 48,4 % des votes à la tête de la Concertation, une coalition de sociaux-démocrates et de démocrates-chrétiens, au gouvernement depuis 1989. Cette alternance met fin à quatre mandats successifs de la coalition social-libérale qui s’est largement adaptée au modèle néolibéral hérité de la dictature, tout comme à la Constitution autoritaire de 1980, amendée mais jamais remise en cause. Il s’agit d’un tournant politique. La Concertation est en crise et n’apparaît plus comme une option stable au service des classes dominantes. Cela s’est vu dès le premier tour, avec les 20 % obtenus par le candidat dissident Marco Enriquez Ominami, issu de la Concertation, qui mélangeait quelques mesures progressistes avec un programme économique libéral.
Face à cet immense marketing politique, le Parti communiste chilien et ses alliés ont proposé la candidature de Jorge Arrate, ex-ministre de la Concertation, et un programme appelant à des réformes sociales combiné à une alliance « instrumentale », au niveau des élections législatives, avec la Concertation, afin de rompre avec leur « exclusion institutionnelle ». Ainsi, aucun porte-parole des classes populaires indépendant n’était présent dans cette campagne. La gauche radicale, notamment le jeune Mouvement des peuples et des travailleurs (MPT), qui regroupe plusieurs petites organisations anticapitalistes, a fait campagne pour « annuler le vote », dénonçant cette absence d’alternative.
Le retour de la droite chilienne est historique : le dernier président de droite élu est Alessandri en 1958. Désormais, c’est un représentant direct de la bourgeoisie qui sera aux commandes. Surnommé le « Berlusconi chilien », Piñera est un entrepreneur qui s’est enrichi durant la dictature. Il contrôle une des principales chaînes de télévision du pays, la compagnie d’aviation Lan Chile et un important club de foot.
Face à une droite « décomplexée » qui va accroître la marchandisation du Chili, la répression des mouvements sociaux et peser sur l’échiquier régional en s’alignant sur la Colombie et les États-Unis, le défi est bien la reconstruction d’une gauche anticapitaliste : « une alternative politique indépendante des intérêts des classes au pouvoir et de leur expression politique », comme se propose de le faire le MPT aux côtés du mouvement populaire. Franck Gaudichaud