Le 20e congrès du Parti communiste chinois s’ouvre le 16 octobre. Xi Jinping sera triomphalement réélu secrétaire général pour un troisième mandat. Son bilan ne sera pas discuté alors que le pays traverse une crise de régime larvée.
Pékin a bénéficié de conditions extrêmement favorables à sa politique d’expansion mondiale. Aujourd’hui deuxième économie du monde, le pays est devenu l’eldorado des transnationales, au cœur du marché capitaliste. Les États-Unis, bien qu’en déclin relatif, restent certes numéro un en (quasiment) tous les domaines, mais ils se trouvaient, jusque récemment, stratégiquement impotents en Asie. La Chine est devenue une puissance mondiale (premier partenaire commercial en Amérique latine !) dotée d’une armée modernisée, centrée sur l’aéronavale. Cet âge d’or de Xi Jinping a pris fin avec le contrecoup de la pandémie de Covid-19, la fin du dynamisme de la mondialisation marchande, le recentrage de Washington sur l’Asie-Pacifique assuré avec succès par Joe Biden, les désordres financiers actuels et les risques croissants de crise économique.
La dictature de la clique unique
Dans une telle situation, la direction chinoise devrait pouvoir faire preuve de beaucoup d’adaptabilité, y compris dans ses rapports aux États-Unis, ne serait-ce que pour tenter d’éviter une récession mondiale. Mais le régime politique instauré (à coup de purges) par Xi Jinping le permet-il ? On peut en douter tant il est replié sur un homme et sa clique.
Nul ne pouvait occuper le secrétariat général du parti plus de deux mandats consécutifs : Xi Jinping a imposé une modification constitutionnelle levant toute restriction. Le noyau de direction devait assurer un minimum de collégialité entre fractions et préparer à la succession une nouvelle génération ; c’en est fini. La gouvernance du pays est dorénavant assurée presque exclusivement par le parti, aux dépens de l’armée et des administrations gouvernementales ou régionales. Le projet de Xi est de remplacer la dictature du parti unique par la dictature de la clique unique. En se faisant réélire pour un troisième mandat à la tête du PC et de la commission militaire du CC, ainsi que président de la République populaire lors de la prochaine réunion de l’Assemblée nationale, et en élevant sa « pensée » un cran au-dessus de celle de Mao, il escompte graver dans le marbre cette ambition.
Les difficultés sont là
Cependant, une succession de coups de force peut-elle mettre durablement au pas un parti de 90 millions de membres dans un pays-continent ? Tant que la dynamique de croissance et d’expansion se maintient, probablement. Mais la réélection de Xi ne résoudra aucun des problèmes auxquels la Chine est aujourd’hui confrontée. Le secteur immobilier a occupé une place considérable dans la croissance intérieure et dans le rêve chinois (devenir propriétaire). Il a aujourd’hui plongé dans un marasme profond (une très capitaliste crise de surproduction) et le rêve est devenu cauchemar pour beaucoup de gens qui perdent leurs économies investies dans des appartements (voire des villes) qui ne seront jamais construits. Certes, l’État a la main sur la dette immobilière (on n’est pas aux États-Unis), mais cette crise ne sera pas indolore pour autant ; comme n’est pas indolore la gestion ultimatiste de l’épidémie de Covid-19, dont Xi Jinping a fait sa marque de fabrique, et qui suscite des réactions de violent rejet populaire.
Questions géostratégiques
Malgré ses nombreuses avancées technologiques, la Chine n’arrive pas à combler son retard en matière de semi-conducteurs haut de gamme, alors que Joe Biden a engagé une politique agressive visant à consolider le leadership étatsunien en ce domaine (les semi-conducteurs nec plus ultra sont produits à Taïwan et en Corée du Sud, mais les brevets sont détenus par des firmes US).
Sur le plan géostratégique, Pékin bénéficie d’un large champ de manœuvre dans les pays du Sud, mais il se restreint en Europe à la suite de l’invasion russe en Ukraine : Poutine, cet allié obligé, est aussi devenu le cauchemar de Xi. La direction du PCC n’avait probablement pas prévu l’ampleur de la contre-offensive US, une fois le recentrage asiatique réalisé par Washington. La guerre sino-américaine n’est pas d’actualité (espérons-le), le degré d’interdépendance entre ces deux pays reste élevé, mais au lendemain du 20e congrès, le bras de fer sur Taïwan devrait se durcir et s’élargir avec la compétition mondiale.