Pour la troisième fois en moins d’un an, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou sera reçu, le 5 juin prochain, par Emmanuel Macron. L’occasion, apprend-on sur le compte Twitter de l’ambassade d’Israël, d’évoquer « l’accord iranien, l’Iran, la Syrie, le Liban, les territoires palestiniens », et de participer à l’inauguration de l’exposition « Israël@Lights » au Grand Palais. Une visite et une inauguration contre lesquelles de nombreuses voix s’élèvent légitimement.
Lors de la précédente visite de Netanyahou, en décembre dernier, Macron avait demandé au Premier ministre israélien de faire « un geste courageux envers les Palestiniens ». Six mois plus tard, les seuls « gestes » de Netanyahou ont été la colonisation, les expulsions, les arrestations et la répression sanglante de la « Grande marche du Retour » à Gaza, avec notamment la tragique journée du 14 mai et plus de 60 morts chez les manifestantEs palestiniens.
« Renouveler le regard que portent les Français sur Israël »
Qu’à cela ne tienne. La France de Macron continue, malgré des protestations purement verbales, de faire les yeux doux à Israël et a choisi, en dépit des protestations, de maintenir la « Saison France-Israël 2018 », dans le cadre de laquelle se déroule l’exposition qui sera inaugurée le 5 juin. Une « saison » qui, selon les autorités françaises, a « pour ambition de montrer la vitalité de la relation bilatérale dans les domaines culturels et scientifiques, de marquer une nouvelle étape dans les relations économiques et de renouveler le regard que portent les Français sur Israël et les Israéliens sur la France » (sic).
En d’autres termes, une participation de la France à une opération de blanchiment de l’État d’Israël qui, on ne le sait que trop bien, utilise la vitrine culturelle et scientifique pour normaliser son image sur la scène internationale, ainsi que l’a récemment reconnu Reuven Rivlin, président de l’État d’Israël, en déclarant que « les institutions culturelles forment une vitrine dans laquelle Israël présente d’elle-même une image démocratique, libérale et critique ». Une complicité active de la part de la France qui admet vouloir contribuer à « renouveler le regard que portent les Français sur Israël » à l’heure où les enquêtes d’opinion confirment les unes après les autres une dégradation de l’image d’Israël, dans l’ensemble des pays occidentaux, en raison de sa politique coloniale à l’égard des PalestinienEs.
« Comment pourrions-nous faire comme si de rien n’était ? »
Dans une pétition publiée le 4 mai sur Mediapart, 80 personnalités du monde de la culture, parmi lesquelles Annie Ernaux, Jean-Luc Godard, Alain Damasio, Dominique Grange et Ernest Pignon-Ernest, déclaraient ce qui suit : « Par solidarité avec les Palestiniens, nous refusons de figurer dans cette vitrine, nous ne participerons pas à la Saison France-Israël et nous appelons à ne pas y participer sous quelque forme que ce soit. » Quelques jours plus tard, une pétition d’universitaires demandait l’annulation des « festivités » : « Comment en effet pourrions-nous faire comme si de rien n’était ? Comme si des dizaines de jeunes gens n’avaient pas été assassinés de manière préméditée ? Comme si des centaines de manifestants demandant seulement le respect de leurs droits fondamentaux n’avaient pas été estropiés à vie ? Comme si le ghetto de Gaza ne courait pas le risque d’être purement et simplement liquidé, avec la complicité, active ou passive, de la communauté internationale ? »
Des prises de position de bon sens, auxquelles nous apportons tout notre soutien, ainsi qu’aux initiatives qui auront lieu le 5 juin pour protester contre la visite de Netanyahou et la complicité des autorités françaises.
Julien Salingue