Au second tour de l’élection présidentielle polonaise, le 1er juin, Karol Nawrocki, soutenu par la droite extrême (PiS, parti Droit et Liberté) et l’extrême droite illibérale et fascisante a gagné avec 50,89 % contre 49,11 % à Rafal Trzaskowski, le candidat libéral soutenu par le gouvernement actuel de Donald Tusk (PO, Plateforme civique).
Le taux de participation a atteint 71,63 %, plus qu’à toutes les élections présidentielles précédentes. Au premier tour (18 mai) Trzaskowski (31,36%) était légèrement (31,36%) devant Nawrocki (29,54%), mais les candidats de la droite fascisante et pro-poutiniste ont obtenu 22,69 % alors que celles et celui se réclamant de la gauche seulement 10,18 %. Il s’agit donc d’une sérieuse défaite et la coalition gouvernementale pourrait se décomposer, laissant ainsi la place à un gouvernement ultra conservateur, voire à une coalition avec l’extrême droite.
Tusk incapable de répondre aux questions démocratiques et sociales
Si la République en Pologne est moins présidentialiste qu’en France et que le gouvernement n’est pas dirigé par le président, ce dernier peut bloquer le gouvernement en refusant de signer les lois adoptées par le Parlement. De plus, le gouvernement Tusk n’a toujours pas été capable de remettre sur pied la justice et le tribunal suprême que les gouvernements précédents du PiS ont déformé.
En octobre 2023, la mobilisation populaire contre l’autoritarisme gouvernemental du PiS et surtout pour les droits des femmes bafoués avait permis la victoire électorale de la coalition menée par Tusk. Plus d’un an après, le nouveau gouvernement s’est avéré incapable de réaliser ses promesses en matière des droits démocratiques, qui comprenaient l’abandon du néolibéralisme technocratique au profit d’une gouvernance plus humaine et démocratique, des réformes telles que la libéralisation de la loi sur l’avortement, une politique de logement social et un investissement plus important dans la culture et l’éducation.
Pire, il commencé à céder à des réflexes illibéraux en durcissant le discours contre l’immigration et en créant un Comité gouvernemental pour la déréglementation qui se donne pour but d’alléger la responsabilité des hommes d’affaires et, à terme, de réduire leurs impôts… Même la nouvelle radio-télévision publique, remplaçant la machine de propagande du PiS, s’est avérée incapable de réaliser un journalisme indépendant.
Deux choix, une seule option : le marché
En absence d’une forme stable d’auto-organisation des mouvements de protestation précédents la société polonaise et en particulier la classe ouvrière est restée atomisée, espérant de moins en moins du gouvernement libéral, voire se retournant contre lui. Ainsi, chez les électeurs n’ayant qu’un niveau d’éducation primaire, Nawrocki a obtenu 73,4 %, et dans le groupe des électeurs ayant suivi une formation professionnelle, 68,3 %. La répartition par profession révèle une situation similaire. Nawrocki a triomphé parmi les agriculteurs (84,6 %) et les travailleurs manuels (68,4 %). Il arrive même en tête parmi les chômeurs (64,7 %). Et si les femmes ont plus voté en faveur de Trzaskowski (52,8%), Nawrocki l’emporte parmi l’électorat le plus jeune (53,2 % chez les 18-29 ans et 54 % chez 30-39 ans). Les jeunes ont voté plus contre le gouvernement que pour lui.
Car le choix était entre deux candidats liés au dogme du marché libre et à l’austérité fiscale. La seule différence est que le libéralisme économique de Trzaskowski privilégie les déréglementations telles que la réduction des cotisations sociales des entreprises (sans toucher à celles des travailleurs), tandis que Nawrocki est pour un contrôle autoritaire de l’État au service des élites économiques.
C’est un nouvel épisode d’une lente décomposition du libéralisme post-stalinien, tel qu’il a été conçu depuis 1989. Cela laisse la porte ouverte à la droite radicale, qui peut ainsi s’emparer du ressentiment accumulé.
Jan Malewski