Le week-end des 25-26 mai, trois élections ont eu lieu en Irlande : européennes, municipales et un référendum sur les conditions du divorce. L’occasion de revenir sur la situation de ce pays de 4,7 millions d’habitantEs, dans lequel des droits sociaux ont été conquis récemment.
En ce qui concerne le référendum sur le divorce, le oui est passé à plus de 80 %, retirant de la Constitution l’obligation d’être séparés depuis au moins 4 ans pour pouvoir divorcer. Un résultat qui s’inscrit dans la foulée du référendum sur l’avortement, légalisé il y a tout juste un an par 67 % des votantEs. Au-delà du vote lui-même, la mobilisation des Pro-choix avait été remarquable : alors que 10 ans auparavant, seules quelques milliers de personnes sortaient dans la rue pour protester, elles étaient des dizaines de milliers en septembre 2018 à scander « Not the Church, not the State, women must decide their fate ! »1 Cette campagne massive et victorieuse ne s’est pourtant pas faite simplement, étant donné le poids symbolique et financier de l’Église. Mais le mouvement pour l’IVG « libre, sûre et gratuite » a été un indicateur de l’ébranlement de cette institution déjà fragilisée à la fois par un rejet de plus en plus important chez les jeunes, et par une série de scandales (exploitation des femmes envoyées dans les couvents, l’affaire des « Tuam babies »2…).
Le centre-droit, malgré toutLa mobilisation pour l’avortement n’est pas la seule victorieuse ces dernières années : le mouvement contre la tarification de l’eau entre 2014 et 2017 est également une victoire sociale et politique, ainsi qu’une réussite pour les organisations de gauche, qui ont su dépasser le sectarisme et construire un front unique en partant de la mobilisation populaire. Cette stratégie leur a permis d’asseoir une certaine légitimité et de gagner 6 députéEs en 2016, d’élargir leur champ d’action et le nombre de sympathisantEs tout en diffusant une lecture plus radicale des rapports sociaux alors que les personnes se saisissaient des outils d’auto-organisation.Cependant, même si en Irlande du Nord plusieurs militantEs de People Before Profit (construit autour du SWP et présent au Sud) ont été élus lors des scrutins de ce week-end, l’extrême gauche reste en dessous de 3 % en Eire (République d’Irlande, au Sud) aux municipales et aux européennes. Fine Gael et Fianna Fail, partis de centre-droit au pouvoir depuis les débuts de l’État Irlandais, conservent à eux deux 50 % des voix et maintiennent leur légitimité dans les urnes malgré leur rôle dans la mise en place des politiques d’austérité et leur proximité avec l’Église : l’Irlande catholique, des propriétaires agricoles et des classes supérieures garde sa supériorité électorale face à celles et ceux qui se sont mobilisés contre la tarification de l’eau et pour l’avortement.
Percée des VertsReste une surprise dans ces deux élections : la percée du Green Party. De moins de 2 % en 2014, il est aujourd’hui à 7 %. Là encore, la rue s’est montrée convaincante : comme dans de nombreux pays, les jeunes se sont mis en grève et ont manifesté pour le climat. Le mouvement Extinction Rebellion s’est implanté sur l’île émeraude, autre témoin d’une préoccupation écologique croissante, qui s’est traduite dans le vote pour les Verts. Pourtant, il y a peu à attendre d’un parti qui s’est allié avec Fianna Fail pour approuver en 2016 la construction d’un gazoduc au nord-ouest de l’île, et qui se satisfait de la gratuité des transports en commun le samedi pour les enfants et d’une taxe carbone pour que les revenus bas et moyens « payent leur part ». La percée des partis de la gauche radicale aux élections de 2016 était très liée au mouvement contre la tarification de l’eau. Leur résultat à celle de ce week-end confirme encore la nécessité pour la gauche d’être à la base des mobilisations, afin de construire les mouvements qui donnent de la confiance aux masses dans la capacité à gagner.
Ju Chiro
- 1. « Ni l’Église, ni l’État, les femmes doivent décider de leur destin ».
- 2. En 2016-2017, des fouilles ont permis de découvrir une fosse commune dans un orphelinat catholique à Tuam, montrant que 800 enfants pauvres ou nés hors mariage, sont morts des suites de négligences durant les années 1920-1960.