C’est l’émoi général, en Israël et au-delà : Avigdor Lieberman est nommé ministre de la Défense par Benjamin Netanyahou. « Hallucinant », déclare le député de droite Beni Begin. « On quitte le pays », menacent les bobos de Tel Aviv. Et Roni Daniel, le très réactionnaire correspondant de la deuxième chaîne pour les questions militaires, que l’on surnomme « le porte-parole officieux de l’armée », de déclarer, les larmes aux yeux, qu’« il n’est pas certain de vouloir voir ses enfants continuer à vivre dans ce pays »...
C’est vrai que le chef du parti « Israël » est notre demeure sent le soufre : il avait menacé de détruire le barrage d’Assouan ; dans son programme électoral, il exigeait des citoyens palestiniens d’Israël une déclaration de loyauté à Israël comme « État juif et démocratique » pour pouvoir garder le droit de vote, il appelle à détruire le Hamas, à ré-envahir la Bande de Gaza et à y rester indéfiniment. En outre, à de nombreuses reprises, Lieberman a déclaré que l’image démocratique d’Israël ne devait plus être un facteur dans les choix politiques et sociétaux.
Épurer l’armée ?
Raciste décomplexé, homme d’affaires lié selon de nombreux journalistes à la mafia russe, mêlé à de sombres histoires de corruption que jusqu’à présent le parquet n’arrive pas à établir juridiquement, entre autres à cause de disparitions mystérieuses des témoins clés... Lieberman est aussi mégalomaniaque : il veut mettre de l’ordre dans l’armée, et n’a pas caché sa volonté d’épurer l’état-major des officiers gauchistes [sic] qui l’infestent.
Or, c’est bien là que le nouveau ministre de la Défense risque de se casser les dents : l’armée est le lobby le plus puissant d’Israël, et fera tout pour défendre à la fois ses intérêts de caste, et sa conception de « l’intérêt national ». Il est d’ailleurs important de comprendre qu’en Israël, c’est l’appareil sécuritaire qui, historiquement, a modéré les velléités guerrières des politiciens d’extrême droite, et empêche des aventures suicidaires, comme l’attaque de l’Iran qui était jusque très récemment l’obsession du Premier ministre en place.Si Lieberman veut épurer l’armée, oui, il risque bien de s’y casser les dents.
Pas de négociation
Pourtant, c’est bien lui que Netanyahou a choisi pour élargir sa majorité parlementaire, plutôt que Yitzhak Herzog du Parti travailliste, qui pourtant a honteusement rampé vers Netanyahou et était prêt à vendre sa chemise pour rejoindre le gouvernement d’extrême droite.Ce choix de la part du chef du Likoud est à la fois politique et politicard. Politicard, car il neutralise ainsi un concurrent potentiel à la tête de la droite. Politique, car il reflète l’orientation du gouvernement : encore plus à droite et un refus net de négocier quoi que ce soit avec les Palestiniens.
Le discours de Bar Ilan sur la solution de deux États, du vent ! La réponse au président égyptien Sissi selon laquelle Israël envisagerait de discuter le plan de paix de la Ligue arabe si celui-ci était amendé, du vent ! La nomination de Lieberman est aussi la réponse du gouvernement israélien à l’initiative française d’une conférence internationale sur la paix en Palestine-Israël : niet !
De Jérusalem, Michel Warschawski