Publié le Dimanche 9 juillet 2023 à 08h00.

Israël/Palestine : à Jénine, Israël dévoile la prochaine phase de l’apartheid

Nous publions des extraits d’un article du journaliste palestinien Amjad Iraqi, publié le 30 juin, quelques jours après une nouvelle vagues de violences des colons en Cisjordanie, et quelques jours avant une nouvelle opération meurtrière de l’armée israélienne dans le camp de Jénine.

L’horrible spectacle des pogroms de colons de la semaine dernière, au cours desquels des centaines d’Israéliens se sont déchaînés dans des villages palestiniens de Cisjordanie occupée après une fusillade meurtrière dans la colonie d’Eli, a poussé les autorités israéliennes chargées de la sécurité dans une position très inconfortable. Embarrassés par les images virales de maisons en feu, de véhicules carbonisés et de commerces détruits, l’armée, la police et le Shin Bet ont conjointement dénoncé les attaques comme du « terrorisme nationaliste » qui « contredit toute valeur morale et juive ».

La preuve par Jénine

Si l’on met de côté le fait flagrant que l’armée est l’une des principales institutions fournissant aux colons les ressources, la protection et la confiance nécessaires pour se livrer à de telles violences, il y a une autre raison pour laquelle cette manœuvre de relations publiques devrait être dénoncée pour la farce qu’elle est.

Le 19 juin, quelques jours avant les pogroms, un hélicoptère Apache israélien tirait des missiles sur la ville de Jénine, en Cisjordanie, au cours d’une bataille féroce entre des unités de l’armée et des combattants palestiniens, soi-disant pour « couvrir » l’évacuation de soldats blessés ; cinq Palestiniens, dont un garçon de 15 ans, ont été tués, et 90 ont été blessés. Deux jours plus tard, un drone israélien a tiré sur une cellule militante palestinienne près de Jénine, visant des hommes armés responsables de plusieurs attaques, notamment à un poste de contrôle.

Loin d’être des incidents isolés, les attaques aériennes révèlent une phase dangereuse dans l’évolution de l’occupation israélienne. Les frappes aériennes seraient les premières en Cisjordanie depuis deux décennies, ce qui réveille les cauchemars de nombreux Palestiniens qui ont couru se mettre à l’abri ou ont été blessés par des attaques d’hélicoptères pendant la seconde Intifada. Pendant ce temps, la guerre aérienne est devenue le modus operandi dans la bande de Gaza, accélérée par le retrait des colonies israéliennes en 2005 et le blocus total du territoire à la suite de la prise de pouvoir du Hamas.

Gaza, stade ultime de l’apartheid

Cette reconfiguration du pouvoir militaire a intentionnellement produit une séparation physique et psychologique entre la Cisjordanie et Gaza, favorisée par la rivalité fratricide entre le Fatah et le Hamas. À mesure que cette distance s’est normalisée, les deux territoires ont été considérés comme déconnectés et incomparables. Même des défenseurs bien intentionnés de la cause palestinienne — qui se concentrent sur les colonies et l’annexion — sont souvent tombés dans le piège d’oublier Gaza en dehors du temps de guerre, la considérant comme une anomalie dans le contexte de la « réalité d’un seul État ». Mais comme l’ont souligné de nombreux militants, chercheurs et experts, les structures utilisées pour confiner et supprimer Gaza ne sont pas une déviation de la méthodologie d’Israël, mais une continuation naturelle de celle-ci. C’est ce qui est apparu clairement dans le ciel de Jénine la semaine dernière.

Gaza est loin d’être une exception à la règle de l’apartheid israélien. Il s’agit plutôt de l’ultime bantoustan — le modèle de contrôle et d’affaiblissement d’une population autochtone dans un espace assiégé, en utilisant des armes et des technologies modernes, avec des dirigeants locaux pour répondre à leurs besoins de base, à un coût minimal pour la société de colons qui les entoure. Les centres de Cisjordanie comme Jénine et Naplouse, déjà soumis à diverses formes de fermeture et d’invasion, ont aujourd’hui un aperçu de ce qui les attend.

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