Le 1er juin dernier, les juges ont été élus au suffrage direct dans tout le Mexique. Une réforme sans précédent, portée par MORENA, qui recompose en profondeur le paysage institutionnel. Mais les critiques sur la transparence du processus et le contrôle croissant du pouvoir par le parti présidentiel tempèrent ce tournant historique.
Le 1er juin dernier a eu lieu dans tout le Mexique l’élection des juges à tous les échelons du pouvoir judiciaire. Des juges locaux aux membres de la Cour suprême fédérale, tous les postes étaient soumis au vote populaire.
Une réforme promesse de rupture
Cette réforme fondamentale, voulue par Andrés Manuel López Obrador, reprise par sa successeure Claudia Sheinbaum et votée par leur parti, MORENA (Mouvement de régénération nationale), a profondément modifié l’architecture judiciaire du pays.
Depuis des décennies, le pouvoir judiciaire mexicain était largement corrompu, dominé par les forces de droite et les puissances économiques, parfois même infiltré par les narcotrafiquants. Réformer ce système avait été l’un des engagements clés d’AMLO lors de son élection en 2018. Ce n’est pourtant qu’à la fin de son mandat qu’il a lancé le processus, repris et mis en œuvre par Sheinbaum.
Un projet soutenu mais contesté
La réforme a suscité l’opposition virulente des partis de droite, étroitement liés à l’ancien système judiciaire. Mais elle a aussi rencontré la résistance de nombreux travailleurEs et fonctionnaires de la justice, dénonçant une réforme imposée sans concertation, aux effets sociaux contestables. En revanche, au sein de la population, elle a bénéficié d’un large soutien, tant le rejet du système judiciaire était profond.
Sur le plan politique, la mesure est défendable, notamment au vu des expériences récentes au Brésil ou en Argentine, où les appareils judiciaires ont été utilisés contre les gouvernements progressistes. Mais ses défauts sont notables : critères opaques de sélection des candidatEs, conditions de campagne floues, possibilité de manipulations... autant d’éléments qui renforcent les soupçons de concentration des pouvoirs. MORENA contrôle désormais la présidence, le Congrès et une part importante de la magistrature.
Une participation modeste mais symbolique
La droite et les grands médias avaient appelé au boycott, misant sur la complexité du scrutin et l’abstention massive qui caractérise le pays. Ils espéraient une participation inférieure à 10 %. Finalement, près de 13 millions de MexicainEs, soit 13 % des inscritEs, se sont déplacéEs. Ce résultat reste limité, mais il signe tout de même un tournant historique.
Ce basculement est incarné par l’élection de Hugo Aguilar Ortiz, indigène mixtèque et ancien proche des zapatistes, à la présidence de la Cour suprême. Mais dans un contexte où Claudia Sheinbaum jouit d’une popularité record (plus de 70 %), la concentration du pouvoir ne garantit en rien qu’il servira les intérêts des travailleurEs. En témoigne, récemment, le refus du gouvernement d’abroger une réforme ultra-libérale de la fonction publique, abrogation pourtant promise à l’issue d’une longue grève des enseignantEs.
Fabrice Thomas