La Cour constitutionnelle vient d’infliger un cinglant démenti à Macky Sall en refusant d’avaliser la prolongation de son mandat présidentiel. Cela ne l’empêche nullement de continuer ses manœuvres.
La famille libérale a fait taire ses divergences pour préparer un coup tordu. Le parti du président, l’Alliance pour la République (APR), et le Parti démocratique sénégalais (PDS) ont voté la mise en place d’une commission d’enquête visant deux juges du Conseil constitutionnel accusés de corruption.
Préserver le régime
En cause, l’interdiction pour Karim Wade, leader du PDS, de se présenter du fait de sa double nationalité franco-sénégalaise.
Saisissant ce prétexte, Sall avait différé les élections. Aussitôt la coalition libérale votait une loi repoussant les élections à la mi-décembre 2024 et prolongeant le mandat présidentiel. Chacun y trouvait son compte : le PDS pour tenter de remettre en selle son candidat, et le camp présidentiel pour affiner son plan électoral au vu de prévisibles résultats médiocres du Premier ministre Amadou Ba.
Leur but est de construire une coalition libérale visant au second tour à faire barrage à Bassirou Diomaye Faye, le candidat de substitution d’Ousmane Sonko. Si les deux dirigeants nationalistes sont en prison, Faye conserve son éligibilité, contrairement à Sonko, et semble être un des favoris de ce scrutin.
Manœuvres en tous genres
Au vu de leur position sur les coups d’État au Mali, au Burkina Faso et au Niger, les puissances occidentales ne pouvaient pas faire moins que de prendre leurs distances avec les manigances de Macky Sall. Certainement sensible à cette situation, la Cour constitutionnelle, dans son rendu du 15 février, déclare que le président ne peut aller au-delà de la fin de son mandat, soit le 2 avril, et enjoint les autorités à organiser les élections dans les plus brefs délais. Macky Sall a déclaré qu’il respecterait cette décision. Depuis, plus rien… ou plutôt si, l’ouverture d’un dialogue national qui s’accompagne de la libération de quelques centaines de prisonniers politiques sur plus d’un millier. Cette concertation nationale risque d’être une gageure entre celles et ceux qui souhaitent le maintien de la liste des candidats et celles et ceux qui ambitionnent la présence de Wade aux élections. Elle peut être aussi l’objet d’un marchandage, avec en ligne de mire la libération de Bassirou Faye voire d’Ousmane Sonko.
La plupart des candidats refusent ce dialogue et exigent une date pour le scrutin présidentiel. Même position pour la coalition « Aar Sunu Élection » (Protégeons notre élection) organisatrice d’une manifestation samedi dernier rassemblant des milliers de personnes. Il est clair que Macky Sall est prêt à aller jusqu’au bout pour maintenir en place ce régime. Il n’a pas hésité à réprimer dans le sang les manifestations, emprisonner les opposantEs, fermer des médias, couper internet et dissoudre le PASTEF (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité), le parti de Sonko. Il a plongé le pays dans une grave crise politique et tente de continuer dans la même voie pour protéger une élite soucieuse de son seul avenir.
Paul Martial