Une majorité (57,5 %) de citoyennes et citoyens helvétiques ont accepté le 29 novembre une initiative fédérale visant à interdire la construction de minarets. Les cantons de Genève (59,7 % de non), Vaud (53,1 %), Neuchâtel (50,8 %) et Bâle-ville (51,6 %) l’ont refusée. De grandes villes de Suisse-allemande, comme Zurich (63,7 %) ou Berne (56,4 %), ont également dit non. Cette initiative raciste a été soutenue par l’Union démocratique du centre (UDC). Un parti de la droite dure, conservatrice et xénophobe, qui participe au gouvernement fédéral ainsi qu’aux exécutifs cantonaux.
Sous prétexte de combattre un prétendu danger d’islamisation rampante, cela institue une mesure discriminatoire fondée sur l’interdiction d’un édifice religieux qui vise à stigmatiser une « identité étrangère », musulmane, à travers la religion. Pour l’UDC, il s’agit de renforcer la méfiance à l’égard des musulmans, et plus généralement à l’égard de ceux qui ne partageraient pas « les valeurs occidentales ». Un avatar du « choc des civilisations », à la suite du 11 septembre 2001.
Les musulmans représentent 4,5 % de la population en Suisse. Ils sont 400 000, dont environ 10 % revendiquent une pratique religieuse. Les préjugés et les peurs qui ont prévalu n’ont bien entendu strictement rien à voir avec la réalité. Aucun problème sérieux de cohabitation entre les personnes de religion musulmane et le reste de la population ! L’initiative fait du reste ses meilleurs scores dans des cantons où il n’y a quasiment pas d’habitants de confession musulmane (71,4 % en Appenzell ou 68,8 % à Glaris !).
Le « succès » de cette consultation s’explique avant tout par un réflexe de repli sur soi, d’angoisses face à la crise économique et ses conséquences. Le bouc émissaire, c’est l’étranger, et le plus étranger des étrangers, dans les fantasmes identitaires, le musulman.
Quant au terreau politique de cette interdiction de construire des minarets, introduite dans la constitution suisse, c’est une politique migratoire raciste, mise en œuvre depuis des décennies. J.-M. Dolivo, membre de solidaritéS, est avocat et député au Parlement du canton de Vaud.