La révolution tunisienne est la première du 21e siècle. Son onde de choc fait trembler bien des dictatures et des chancelleries occidentales, même si elle n’a pas encore renversé l’ancien régime, encore moins l’appareil d’Etat néocolonial qui le soutient. Expression d’un ras-le-bol généralisé, elle s’est nourrie du mécontentement de classes diverses, du moins jusqu’au 14 janvier. Depuis lors, elle connaît une polarisation de plus en plus forte entre le camp de la révolution et celui de la contre-révolution
La seconde s’agite pour sauvegarder ses institutions et sa constitution. Avec la complicité des franges libérales du mouvement démocratique, les agents des puissances occidentales, les naufragés de l’ancien régime et les islamistes essayent de désamorcer le soulèvement social. Le gouvernement « d’unité nationale » provisoire (GUNP) est ainsi formé d’anciens membres du pouvoir de Ben Ali, dont son Premier ministre (depuis 1999), architecte des politiques néolibérales dictées par les instances financières impérialistes.
Outre les trois ministres issus du mouvement démocratique, qui mettent tout en œuvre pour donner une légitimité à ce gouvernement, les autres seraient des « technocrates neutres » au service de la démocratie. Venus de France, diplômés des « grandes écoles » et détenteurs de capitaux qui œuvrent au pillage de la Tunisie, ils ont été recrutés par Hakim Karoui, ex-conseiller de Jean-Pierre Raffarin (1er Ministre français, 2002-2005). Le seul objectif du GUNP est de faire avorter toute tentative d’instaurer une démocratie politique et sociale.
A l’opposé, la révolution est soutenue par le Front 14 janvier, qui regroupe la gauche anticapitaliste, les nationalistes arabes et des indépendant.e.s de gauche. Deux autres sensibilités ne reconnaissent toujours pas le GUNP : le Congrès pour la république (CPR) et le Forum démocratique pour la liberté et le travail (FDLT). La dynamique initiée par le Front 14 janvier est porteuse d’espoir (son meeting du 13 février, à Tunis, a rassemblé plus de 8000 personnes). Avec la multiplication des comités locaux et régionaux, la convergence avec les militant-e-s syndicaux et associatifs les plus combatifs, il annonce une perspective politique capable d’ouvrir des brèches vers un changement radical.
Il propose un Congrès national de défense de la révolution, expression des comités populaires, de toutes les forces politiques, syndicales et sociales issues des luttes, vers une assemblée constituante pour élaborer une constitution démocratique répondant aux aspirations à l’émancipation nationale et sociale. Ce processus répond aux aspirations populaires : il veut rompre avec la dépendance et réorganiser l’économie en fonction des besoins essentiels des classes populaires, ceux des femmes notamment, en socialisant les banques et en annulant la dette odieuse de la dictature.
A paraître en Suisse dans le n° 183 de « solidaritéS »