Les médias diffusent chaque jour des images des manifestations étudiantes dirigées contre le gouvernement, manifestations qui se tiennent dans les quartiers riches des grandes villes du Venezuela. Les manifestations ouvrières, attaquées à coups de feu par les réactionnaires, qui se déroulent simultanément dans les quartiers pauvres des mêmes localités, sont beaucoup moins connues dans les pays impérialistes.
La violence qui s’exprime dans la rue s’inscrit dans une situation où les pénuries et l’insécurité désespèrent les classes moyennes, tandis que l’inflation galopante et la mise en danger des conquêtes sociales des dernières années mobilisent fortement les secteurs populaires.
La bourgeoisie à l’offensiveSous la pression de l’Église et des responsables politiques « démocratiques » de la droite vénézuélienne, le président Maduro préfère tenter de négocier une issue constitutionnelle en sacrifiant la classe ouvrière et la population pauvre. La bourgeoisie vénézuélienne partage l’objectif de renverser Maduro, de récupérer les revenus de la rente pétrolière et de liquider les acquis arrachés depuis quinze ans par le mouvement ouvrier et populaire. Dans ce cadre, les différences entre ses deux leaders, Henrique Capriles et Leopoldo López, sont d’ordre tactique.Capriles, le perdant de la dernière présidentielle, a pris ses distances avec les manifestations parce qu’il pense arriver au pouvoir par la voie électorale. Il représente la grande bourgeoisie vénézuélienne qui joue la carte d’une transition ordonnée, ne mettant pas en jeu les immenses profits qu’elle a retirés de ses accords avec le gouvernement. D’où sa proposition d’un « gouvernement d’unité nationale ».López, l’un des dirigeants du coup d’État failli de 2002, amnistié ensuite par Chávez mais rendu inéligible suite à des malversations sur des fonds publics, représente à la fois la petite et moyenne bourgeoisie, raciste et anti-ouvrière, et la droite étatsunienne qui brûle du désir de remettre la main sur les réserves pétrolières du pays. Selon une information qui n’a pas été démentie, l’ancien candidat républicain à la présidence US, John McCain, aurait préconisé une invasion du Venezuela afin de pouvoir contrôler les flux pétroliers dans l’intérêt supérieur de la nation.
À la croisée des cheminsUne figure de l’opposition moins connue à l’étranger, celle du dirigeant étudiant Lorent Saleh, représente l’aile la plus radicale de la droite vénézuélienne. Saleh a taxé Capriles de « timoré et faible » après les critiques que ce dernier a adressées aux manifestations étudiantes. Selon une enquête du quotidien El Espectador, Saleh a participé l’an dernier au lancement en Colombie de l’Alliance nationaliste pour la liberté, une organisation aux liens néonazis qui opère à Bogota et dans d’autres villes de ce pays.La presse occidentale garde le silence face aux destructions par le feu de moyens de transport publics, à l’encerclement et aux tentatives de saccage de l’Université bolivarienne (ouverte aux étudiants pauvres) ainsi que de médias publics, ou encore aux agressions violentes de médecins cubains qui travaillent dans les missions des quartiers populaires. Pas un mot non plus sur la défense spontanée de ces conquêtes par le peuple vénézuélien, contre les attaques de la droite et de ses paramilitaires.Le processus révolutionnaire vénézuélien se trouve désormais à une croisée des chemins. Combien de temps ce peuple, qui voit son gouvernement négocier avec les agresseurs au lieu de les châtier, pourra-t-il encore résister ? La seule solution est d’avancer dans la mobilisation en développant une auto-organisation démocratique et de masse. Si le gouvernement persiste dans cette voie de la négociation avec la bourgeoisie dite « pacifique », la classe ouvrière vénézuélienne devra, pour ne pas perdre tous ses acquis, imposer une solution qui lui soit propre.
Virginia de la Siega