Publié le Mercredi 15 juin 2022 à 12h00.

Crimes policiers : justice et vérité pour Rayana et touTEs les autres

Samedi 11 juin, deux rassemblements s’étaient organisés à Paris une semaine après la mort de Rayana, tuée par la police lors d’un contrôle dans le 18e arrondissement de Paris. Inquiétude, colère, exigence de vérité et de justice : les participantEs et les intervenantEs s’accordaient pour affirmer que les violences policières et l’impunité doivent cesser.

Depuis le début de l’année 2022, ce sont pas moins de quatre personnes qui ont été tuées par la police, dans leur véhicule, suite à un refus d’obtempérer, dont Rayana le 4 juin. On se souvient ainsi du cas de Jean-Paul, tué à Aulnay dans une camionnette le 26 mars, et de Boubacar et Fadjigui, tués dans leur véhicule sur le Pont-Neuf, au soir du second tour de la présidentielle. On vient d’ailleurs d’apprendre, via Mediapart et Libération, que la version des policiers concernant les événements du Pont-Neuf était mise à mal par l’enquête, la notion de « légitime défense » étant peu compatible avec des tirs mortels… dans le dos.

Permis de tuer

La mort de Rayana a jeté la lumière sur ces situations particulières, dans lesquelles les flics se sentent autorisés à tirer sur les occupantEs d’un véhicule au motif d’un refus d’obtempérer. Des tirs facilités par une loi adoptée à la fin du quinquennat de François Hollande, en février 2017, qui autorise les policiers à faire usage de leur arme « lorsqu’ils ne peuvent immobiliser, autrement que par l’usage des armes, des véhicules, embarcations ou autres moyens de transport, dont les conducteurs n’obtempèrent pas à l’ordre d’arrêt et dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui »1.

En d’autres termes, la possibilité de tirer sur des véhicules considérés comme en fuite, même lorsque la vie des flics n’est pas en danger. Comme l’explique le sociologue Fabien Jobard, « cette loi est venue mettre de la confusion dans des textes très clairs. […] Elle est venue introduire une notion un peu compliquée. Désormais, le policier peut faire usage de son arme lorsqu’il y a refus d’obtempérer et qu’il peut imaginer raisonnablement que la personne est susceptible de porter atteinte à la vie des policiers ou à celle d’autrui. […] Le policier peut éventuellement effectuer un calcul où il se dit que s’il y a eu un refus d’obtempérer ou un comportement dangereux du conducteur à son égard, alors la personne qui vient de passer le barrage, qui ne pose plus de danger immédiat pour lui, peut porter atteinte à l’intégrité physique d’autrui donc il tire. »2

Quatre fois plus de morts dans ces circonstances

Un permis de tuer supplémentaire pour une police qui n’en demandait pas tant. Selon Bastamag, ce sont au moins 21 personnes qui ont été tuées dans ces circonstances depuis février 2017, soit quatre par an en moyenne. Entre 2002 et 2017, la moyenne était de… une par an : « En cinq ans, les forces de l’ordre ont donc abattu davantage de personnes ayant fui les uniformes en véhicules que sur les quinze années précédentes. »3 Même l’IGPN est obligé de reconnaître que le nombre de tirs a augmenté de façon spectaculaire. L’institution supposé surveiller la police explique toutefois que cette augmentation serait due à une augmentation du nombre… de refus d’obtempérer. On n’est jamais mieux servi que par soi-même.

Cela a été dit et répété samedi 11 juin : le cas de Rayana ne doit pas tomber dans l’oubli, et il doit servir d’exemple pour exiger la fin de l’impunité policière et la fin d’un système dans lequel les flics bénéficient de véritables permis de tuer. L’article L435-1 du Code de sécurité intérieure doit être immédiatement abrogé, et toutes les unités de police au contact de la population doivent être immédiatement désarmées. Plus globalement, face au cours autoritaire qui se poursuit et qui, on le sait, nourrit toujours un peu plus l’extrême droite et les secteurs les plus fascisants de la police, il ne faut rien lâcher, et se mobiliser pour ne plus avoir à faire ce triste constat : la police tue.

  • 1. Article L435-1 du Code de sécurité intérieure (28 février 2017).
  • 2. Interview sur France Info le 7 juin 2022.
  • 3. Ludovic Simbille et Pierre Jequier-Zalc, « Refus d’obtempérer : quatre fois plus de personnes tuées par des policiers depuis cinq ans », Basta !, 9 juin 2022.